CAVARÉ

Photo : Académie de droit international de La Haye. Avec l’aimable autorisation du Secrétaire général

LOUIS CAVARÉ

(1893-1964)

 

Né le 15 mai 1893 à l’Isle-Jourdain, petite ville du Gers, Louis Cavaré a apporté une contribution importante à la doctrine internationaliste. Après des études suivies à la Faculté de droit de l’Université de Toulouse, quoiqu’interrompues en raison de sa mobilisation durant la guerre de 1914-1918, Louis Cavaré a mené jusqu’à ses derniers instants une carrière essentiellement consacrée à l’enseignement et à la recherche. Son traité de Droit international public positif demeure une référence du genre.

Administrativiste puis internationaliste

D’abord spécialisé en droit administratif, Cavaré soutient en 1920 sa thèse de doctorat intitulée Les recours de l’administration devant le juge, sous la direction de Maurice Hauriou. Il est, ensuite, chargé de cours aux universités d’Aix-en-Provence (1921-1922) et de Strasbourg (1922-1926). Reçu premier au concours d’agrégation de droit public en 1926, il est nommé professeur à l’Université de Rennes, où il restera jusqu’à son départ à la retraite.

Si Louis Cavaré a enseigné le droit administratif pendant vingt ans, c’est, en fin de compte, pour le droit international public qu’il a montré la plus grande prédilection. Il est transféré à la chaire de droit international public en 1947 et consacre à cette spécialité la plus grande partie de ses travaux et de ses enseignements, à Rennes mais également à l’Institut des hautes études internationales de Paris, dans de nombreuses universités étrangères, notamment à Madrid, à Valladolid et à Grenade, et à l’Académie de droit international de La Haye où il a professé en 1952 un cours sur les sanctions dans le cadre de l’ONU. Parmi les élèves du professeur Cavaré, on compte notamment Jean-Pierre Quéneudec et Geneviève Guyomar, dont il a dirigé les thèses. Ayant une très haute idée des devoirs de l’universitaire, Cavaré était d’un dévouement exemplaire pour ses étudiants, notamment ses doctorants dont les travaux étaient scrupuleusement relus et critiqués.

Jusqu’en 1961, il a par ailleurs été à la tête de l’École régionale des sciences administratives et financières et du Centre d’études universitaires de Rennes. En 1954, il devient associé de l’Institut de droit international à l’occasion de la session d’Aix-en-Provence, avant de devenir membre titulaire à la session de Bruxelles, en 1963.

Une œuvre vouée à l’étude du droit international positif

L’œuvre du professeur Cavaré consiste en l’analyse des règles positives du droit international public qui s’appliquent à la société contemporaine. Le but qu’il se propose d’atteindre n’est, en réalité, qu’un « idéal » : il souhaite contribuer au « perfectionnement des sociétés humaines ». À cet égard, il rend compte de « la réalité du droit international public », en se fondant sur « l’observation des faits sociaux » et sur une analyse stricte de la jurisprudence des tribunaux internationaux. D’après lui, le point de départ de l’étude du droit international public doit être la connaissance de la société internationale, car seule la « prise de contact initiale » avec cette société peut permettre la « compréhension du droit international positif, d’expliquer ses sonorités comme ses dissonances, ses principes comme ses contradictions ». Ainsi comprise, la méthode que Cavaré emploie pour expliquer le fondement du droit international positif suppose de considérer la règle de droit comme un « produit du milieu social » dans lequel « elle s’est formée et développée », et non comme une règle résultant de la volonté des organes de l’État. Dès lors, ces derniers n’interviennent que pour constater l’existence d’une « règle sociale » et donner à celle-ci une force obligatoire. Le développement du droit international public positif est donc fonction des besoins de la société internationale. C’est, du reste, pour cette raison que le professeur Cavaré épouse l’idée du renforcement de la cohésion de la société internationale, laquelle est de nature à faciliter la progression du droit international public positif, ainsi que le perfectionnement des sanctions en droit international. Il n’en demeure pas moins que les organisations internationales et leur droit sont négligés dans l’approche systématique du droit international qu’a Cavaré. Sa vision positiviste du droit international public le conduit à envisager, pour que la société internationale soit perfectionnée, l’attribution de certaines compétences juridiques assurées par les organes internationaux aux organes de l’État, au motif que ces derniers seraient assurément mieux placés pour satisfaire les besoins de la société internationale.

Le professeur Cavaré a consacré également de nombreuses études au contentieux international. Est manifeste son intérêt pour la jurisprudence internationale, dont il avait une connaissance encyclopédique. Marqué par Hauriou et par sa formation au contentieux administratif, il considère que la normativité du droit international est étroitement liée à l’existence de juridictions internationales, garantes de la sanction, lato sensu, du droit international. Pour le reste, Louis Cavaré a analysé l’adaptation des règles du droit international aux événements postérieurs à la Seconde Guerre mondiale, notamment les transformations de la société internationale entre les années 1950 et 1960, les problèmes juridiques posés par la formation de nouveaux États ou leur détachement d’un autre État, et les limites de la souveraineté territoriale des États. Il s’est enfin intéressé à la prise en compte des droits de la personne privée par le droit international, à la suite des actions en faveur de la protection et de la promotion des droits de l’homme, tant dans le cadre de l’ONU que dans le cadre du Conseil de l’Europe.

 

Loïc Aubanel LE RHUN
 
Doctorant en droit public
Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité

                                                                                                                           

Sources : « Louis Cavaré (1893-1964) », Travaux juridiques et économiques de l’Université de Rennes, Rennes, Imprimerie Réunies, 1965, t. XXVI, pp. 9-23 ; S. Bastid, « L. Cavaré, Le droit international positif… », RIDC, 1953, pp. 608-609 et AFDI, 1961, vol. 7, pp. 1055-1056 ; L. Cavaré, Le Droit international public positif, tome 2, Les Modalités des relations juridiques internationales, les compétences respectives des Etats, Paris, Pedone, 1962, 2ème édition revue et augmentée, pp. 7, 541 ; L. Cavaré, Le droit international public positif, tome 1, La notion de droit international public, structure de la société internationale, Paris, Pedone, 1961, 2ème édition revue et augmentée pp. 116-119, 121-131, 141-144, 148.

 

 

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 

Ouvrages

Les recours de l’administration devant le juge (thèse), Montauban, Prunet, 1920, 245 p.

Le droit international public positif, La notion de droit international public, structure de la société internationale, tome 1, Paris, Pedone, 1951, 597 p. (réed. 1961 et 1967, 3ème édition mise à jour par Jean-Pierre Quéneudec, 806 p.)

Le droit international public positif, Les Modalités des relations juridiques internationales, les compétences respectives des États, tome 2, Paris, Pedone, 1951, 668 p. (rééd. 1962, 1969, 3ème édition mise à jour par Jean-Pierre Quéneudec, 952 p.)

 

Cours

« Les sanctions dans le cadre de l’ONU », RCADI, vol. 80, 1952, pp. 191-291

La condition de la propriété privée en droit international public, Cours de l’IHEI, 1951-1952

La responsabilité des États, Cours de l’IHEI, 1952-1953

Le développement de la notion de légalité en droit international public, Cours de l’IHEI, 1955-1956

La protection des droits contractuels reconnus par les États à des étrangers à l’exception des emprunts, Valladolid, Universidad de Valladolid, 1956, 139 p.

La protection diplomatique envisagée dans ses aspects récents, Paris, Cours de l’IHEI, 1958-1959, 93 p.

 La notion de bonne foi et quelques-unes de ses applications en droit international public, Paris, Cours de l’IHEI, 1963-1964, 65 p.

 

Articles

« Quelques notions générales sur l’occupation pacifique. Etude particulière de l’occupation de la Haute-Silésie », RGDIP, 1924, vol. 31, pp. 339-371

« Le statut juridique du Groënland oriental et la notion de territoire étatique », Travaux juridiques et économiques de l’Université de Rennes, 1934, t. XIII, pp. 118-159

« La reconnaissance de l’État et le Mandchoukouo », RGDIP, 1935, vol. 42, pp. 5-99

« L’idée de sanction et sa mise en œuvre en droit international public », RGDIP, 1937, vol. 44, pp. 385-445

« Les sanctions dans le Pacte de la SdN et dans la Charte des Nations Unies », RGDIP, 1950, pp. 647-674

« L’immunité de juridiction de l’État étranger », RGDIP, 1954, pp. 177-207 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Pedone)

« La notion de juridiction internationale », AFDI, 1956, vol. 2, pp. 496-509

« Le recours pour excès de pouvoir en droit international public », in L’évolution du droit public, Études offertes à Achille Mestre, Paris, Sirey, 1956, pp. 63-72

« Les transformations de la protection diplomatique », in C. Bilfinger (Hg.), Festgabe für Alexander N. Makarov., Zeitschrift für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht. Band 19, Nr. 1-3,1958, New York, Johnson Reprint, 1964, pp. 54-80

« L’arrêt de la CIJ du 18 novembre 1960 et les moyens d’assurer l’exécution des sentences arbitrales », in Mélanges offert à Henri Rolin. Problèmes de droit des gens, Paris, Pedone, 1964, pp. 39-54 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions Pedone)

« Les problèmes juridiques posés par la pollution des eaux maritimes au point de vue interne et international », RGDIP, 1964, pp. 617-640 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions Pedone)