CHRÉTIEN

Photo : Académie de droit international  de La Haye. Avec l’aimable autorisation du Secrétaire général

MAXIME CHRÉTIEN

(1910-1976)

 

Maxime Chrétien est né à Lille, le 9 février 1910. Il fait toutes ses études de droit jusqu’au doctorat à l’Université de Lille, dont il est l’un des grands lauréat (8 médailles). Il est tout à la fois docteur en droit (1936 – thèse sur Les règles de droit d’origine juridictionnelle) et docteur ès-sciences économiques (1937). En 1944, il devient secrétaire de la Conférence des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation.

Du Caire à Amiens, une carrière universitaire riche

Il occupe successivement différents postes universitaires. Il est maître de conférences à l’Université du Caire (1934-1936), et chargé de cours aux facultés de droit de Caen et de Poitiers. A la veille de la Seconde Guerre mondiale il est assistant à la Faculté de droit de Paris et à l’Institut de droit comparé, tout en exerçant les fonctions de secrétaire de rédaction de la Revue générale de droit international public, sous la direction de Marcel Sibert. Agrégé des facultés de droit en 1945, il occupe la chaire d’histoire des traités à la Faculté de droit de Strasbourg. Il enseigne également à l’Institut d’études politiques de Strasbourg et à l’Institut des hautes études internationales de Paris, où il propose chaque année un séminaire différent sur les questions de droit international de nature financière. Il termine sa carrière de professeur à l’Université de Picardie, rejointe en 1968, où il remplira, entre autres, les fonctions de doyen de la faculté de droit d’Amiens et de président de l’Assemblée des enseignants.

Chrétient a été membre de diverses associations savantes, telles que l’Association de droit international (International Law Association), ou encore de l’International Fiscal Association, dont il a été le rapporteur général au Congrès de Paris en 1953. Expert internationalement reconnu en matière de fiscalité internationale, il donna régulièrement des conférences à l’étranger (Pays-Bas, Portugal, etc.) et fut expert fiscal des Nations Unies.

Un internationaliste tombé dans le droit fiscal

Internationaliste « classique » à l’origine, comme l’attestent ses premières publications sur la suppression des capitulations en Egypte ou la guerre du Japon en Corée, son intérêt pour le droit fiscal résulte d’un concours de circonstances : son recrutement comme assistant à l’Institut de comparé de l’Université de Paris par Gaston Gèze qui y dirigeait la section de science et de la législation financières. C’est ainsi, qu’à partir de ce moment, il consacra une majeure partie de ses études aux évolutions du droit international fiscal, notamment à travers plusieurs contributions à la Revue de science et législation financières, où il tînt également la chronique de jurisprudence fiscale pendant plusieurs années.

Alors qu’aujourd’hui encore, délaissé par les internationalistes, le droit international fiscal demeure l’apanage des « fiscalistes », Chrétien contribua à analyser l’application à la matière fiscale des notions et instruments de droit international public : souveraineté (à travers la notion de souveraineté fiscale), traités internationaux (rôle des conventions fiscales), organisations internationales (la question de leur rôle dans « le règlement des questions d’impôts entre divers États » a fait l’objet de son cours à l’Académie de droit international) etc.

Son cours à l’Académie professé en 1954 est en ce sens révélateur de la méthode de Chrétien, qui consiste autant à « situer la place du droit international fiscal dans le droit international public en général » (p. 5) qu’à dégager des principes fiscaux applicables à tous les Etats. L’auteur montre ainsi que l’ONU, comme la SdN avant elle, « contribue aux progrès du droit international fiscal, en exerçant, à l’égard des Etats, une fonction consultative qui devient même, dans certains cas, une fonction ‘pré-législative’ » (p. 7).

Son œuvre maîtresse reste sans doute l’ouvrage intitulé A la recherche du droit international fiscal commun, préfacé par Batiffol et récompensé en 1957 par l’Académie des sciences morales et politiques, dans lequel il tente de tirer des traités et de la jurisprudence internationale « des règles juridiques qui obligeraient tous les Etats et qui concerneraient une matière juridique déterminée : celle des impôts ». Le principe de souveraineté fiscale y est étudié à partir de divers cas concrets, dont il ressort qu’elle présente un caractère territorial quasi-absolu – sous réserve des dérogations unilatérales ou conventionnelles consenties par l’Etat. Mais l’auteur reconnaît au terme d’une étude approfondie qu’à la souveraineté fiscale il n’existe guère de limitations supplémentaires tirées d’un droit international fiscal général encore embryonnaire. Ainsi de l’absence de convention fiscale universelle, ou de règles coutumières ou de principes généraux de droit concernant la double-imposition, la discrimination fiscale entre nationaux et étrangers, les privilèges fiscaux des agents diplomatiques etc. L’ouvrage révèle ainsi autant la démarche positiviste que l’honnêteté intellectuelle de son auteur.

Sans doute le développement du droit international fiscal rend-il certaines des analyses pragmatiques de Chrétien aujourd’hui caduques. C’est peut-être aussi parce que, en défrichant un champ nouveau, il a contribué de manière significative à l’évolution de l’internationalisation fiscale.

 

Miguel NICOLAS
 
Docteur en droit de l’Université de Cergy-Pontoise

 

 

Sources : V. Dussart, « Maxime Chrétien et la question de la souveraineté fiscale », in S. Raimbault de Fontaine (dir.), Doctrines fiscales : A la redécouverte de grands classiques, Paris, L’Harmattan, 2007, pp. 187-195 ; L. Mehl, commentaire de l’ouvrage A la recherche du droit international fiscal commun, RIDC, 1959, pp. 441-444; notice in RCADI, 1954, pp. 3-4

 

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE

 

Ouvrages

Les règles de droit d’origine juridictionnelle : leur formation, leurs caractères, Lille, 1936, Préface de Paul Duez, doyen de la Faculté de Droit de Lille, thèse, 208 p.

Refaites une Constitution : 13 études par Jean de Soto, Jean Coutard, Raymond Malezleux, Georges Berlia, Georges Morange, Maxime Chrétien,… [etc.], préface de J. Basdevant, Paris, La Jeune Parque, 1946, 290 p.

A la recherche du droit international fiscal commun, Préface d’Henri Batiffol, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1955, 246 p.

La nationalité fiscale d’après la jurisprudence française, Association des études internationales, 1962

 

Cours

Deux problèmes importants du droit fiscal international, Cours à l’Institut des hautes études internationales (IHEI), 1947-1948

Les Emprunts publics internationaux, Cours à l’Institut des hautes études internationales (IHEI), 1948-1949

L’un des nouveaux aspects du droit financier international : le rôle de l’ONU en matière d’impôts, Cours à l’Institut des hautes études internationales (IHEI), 1949-1950

Le Problème du règlement juridictionnel des conflits internationaux d’ordre fiscal, Cours à l’Institut des hautes études internationales (IHEI), 1951-1952

« Contribution à l’étude du droit international fiscal actuel : le rôle des organisations internationales dans le règlement des questions d’impôts entre les divers Etats », RCADI, vol. 86, 1954, pp. 1-116

Le Statut fiscal des organisations internationales, Cours à l’Institut des hautes études internationales (IHEI), 1959-1960

Les impôts supranationaux, Cours à l’Institut des hautes études internationales (IHEI), 1962-1963

 

Articles

« L’indemnité d’expropriation », RDP, 1937, pp. 409-455

« La suppression des capitulations en Egypte », RGDIP, 1938, pp. 302-372

« La guerre totale du Japon en Chine », RGDIP, 1939, pp. 229-303

« La contribution nationale extraordinaire », Revue de science et de législation financières, 1939, pp. 486-558

« La limitation des bénéfices de guerre », Revue de science et législation financières, 1940, pp. 46-89

« Les conventions fiscales franco-américaines de 1939 et de 1946 », Revue de science et législation financières, 1947, pp. 305-324

« Une espèce originale de traités fiscaux : les conventions internationales sur la double imposition des entreprises maritimes ou aériennes », Revue de science et de législation financières, 1951, pp. 513-533

« L’application et l’interprétation des clauses fiscales des traités internationaux par les tribunaux français », RCDIP, 1951, n° 1, pp. 41-68

« Le problème du règlement juridictionnel des conflits internationaux d’ordre fiscal », JDI (Clunet), 1951, pp. 30 et s et pp. 508 et s.

« Les recueils fiscaux de la SDN et de l’ONU », RGDIP, 1952, n° 4, pp. 529-585 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions A. Pedone)

« Existe-t-il un droit international fiscal commun ? (Étude de droit positif d’après la jurisprudence des Cours internationales de Justice) », RCDIP, 1953, pp. 215 et s.

« Note documentaire sur les immunités fiscales dont bénéficient en France les agents diplomatiques et consulaires en vertu des lois et des tolérances administratives », AFDI, 1955, pp. 192-207

« Le Fisc en face du droit international privé », Travaux du Comité français de droit international privé, 1951-52 et 1953-54

« Note sur les immunités fiscales dont bénéficient en France les agents diplomatiques et consulaires en vertu des conventions internationales », AFDI, 1957, pp. 638-667

 

Rapports

Rapport général de l’International Fiscal Association au Congrès de Paris en 1953, Cahiers de droit fiscal international, 1953 et 1954