DOUMBÉ-BILLÉ

Photographie aimablement fournie par la famille

STÉPHANE DOUMBÉ-BILLÉ

(1953-2020)

 

Stéphane Doumbé-Billé, internationaliste convaincu, avait pourtant débuté sa carrière universitaire dans le champ du droit administratif. Après une thèse remarquée sur les rapports entre l’État camerounais et ses collectivités locales sous la direction du Professeur Jean-Arnaud Mazères soutenue en 1983 à l’Université Toulouse 1, il consacra la fin de la décennie à des réflexions sur le rôle du Conseil d’État et sur le droit administratif des étrangers. C’est par le prisme du droit de l’environnement, notamment des études d’impact, que la rencontre avec le droit international se fit. Il embrassa cette discipline avec ferveur, enthousiasme et un certain panache. Son style raffiné, issu d’une double formation universitaire de droit et de philosophie (DEA de philosophie, mémoire sur « Le discours de la colonisation »), donna à ses travaux une dimension quasi littéraire. Chevalier des Palmes académiques et de l’Ordre de la Pléiade de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, il a toujours eu une grande opinion du travail universitaire.

Un universitaire infatigable

Il commence sa carrière académique en tant que maître de conférences à l’Université de Limoges en 1986. Le concours d’agrégation le conduit par la suite à l’Université du Littoral Côte d’Opale, puis à l’Université Jean Moulin Lyon 3 où il fera l’essentiel de sa carrière. Il y construisit le Centre de droit international, lui conféra son rayonnement et forma plusieurs générations d’internationalistes lyonnais. Professeur intraitable et exigeant, il enseigna avec enthousiasme, dynamisme et beaucoup d’originalité le droit international général et le droit international de l’environnement. Doté d’une personnalité déroutante, mais diablement attachante, il fallait parfois s’armer de patience pour comprendre la profondeur de sa pensée.

Ses travaux sur le droit international de l’environnement ont contribué à bâtir les fondements doctrinaux de cette nouvelle branche du droit. L’article rédigé à quatre mains avec Alexandre-Charles Kiss – avec lequel il travailla avec une joie non dissimulée et une profonde admiration – « La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (Rio de Janeiro, 3-14 juin 1992) » publié à Annuaire français de droit international en 1992 est de ces publications fondatrices. Tel est également le cas de son hommage à Kiss « Droit international et développement durable ».

Mais Stéphane Doumbé-Billé reste avant tout, c’est comme cela qu’il se définissait, un internationaliste. Le droit international général, ses mécanismes, ses sources, ses acteurs, sa théorie et ses différentes branches étaient pour lui un champ d’investigations sans limites. Il s’intéressa également au phénomène de régionalisation du droit international, notamment dans le cadre africain. Ses travaux dans ce domaine lui ont permis d’acquérir une renommée qui force l’admiration sur le continent. Ses publications sur l’OHADA et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples sont une référence pour les juristes qui travaillent sur ces questions. Ce natif de Douala (Cameroun) a toujours mis un point d’honneur à enseigner sur le continent et à participer à la formation des futurs internationalistes africains auprès des universités d’Alexandrie (Senghor), d’Abomey Calavi, de Dakar, de Douala, de Yaoundé II, de Tunis Carthage, de Ouagadougou II ou encore de Lomé.

Résolument vivant, il s’est efforcé de continuer à réfléchir, enseigner et écrire, même lorsque la vie lui jouait des tours cruels et que la raison aurait sans doute dû le conduire à se reposer. Face à la maladie ou à la folie humaine, il a opposé résilience et ténacité. Ainsi, même après avoir perdu la vue ou avoir survécu à l’attaque terroriste du Radisson Blue à Bamako, il a continué de transmettre inlassablement son expérience et ses connaissances.

Un pont entre théorie et pratique

La Conférence de Rio de 1992 sera un tournant déterminant dans sa carrière, qu’il orientera alors vers le droit de la protection de l’environnement, notamment des forêts. C’est dans ce domaine qu’il s’efforcera de dresser un pont entre théorie et pratique en se faisant le défenseur du droit et de la nature dans les enceintes diplomatiques, auprès des États et des institutions internationales. De nombreux gouvernements nationaux ont d’ailleurs fait appel à ses services pour les assister dans la rédaction de nouvelles législations nationales tels que Maurice, la Mauritanie, le Cameroun, Djibouti, les Comores, la RDC ou le Gabon. Son rôle d’expert au sein d’institutions internationales lui a également permis d’œuvrer à l’application concrète des instruments internationaux de protection de l’environnement. Au sein de la FAO, du PNUD, du PNUE, de l’UNOPS, de l’OIF, de l’UICN et du WWF, il s’est battu pour la sauvegarde des forêts et des écosystèmes.

Sa carrière ne s’est donc pas limitée à celle menée à l’Université, mais a été résolument pratique, tournée vers la mise en œuvre des principes qu’il s’est employé à défendre. En témoigne la proportion peu commune de praticiens dans les mélanges qui lui ont été offerts en février 2020, réunis par Michel Prieur et Ali Mékouar sous le titre particulièrement représentatif de l’homme et de sa carrière : droit, humanité et environnement. Il aura quitté ce monde quelques jours seulement avant la remise de cet ouvrage, confirmant ainsi la célèbre formule d’Horace qu’il aimait à rappeler : verba volant, scripta manent.

 

Kiara NERI  

Maître de conférences à l’Université Jean Moulin – Lyon 3

 

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 

Thèse

Recherches sur les rapports entre l’État camerounais et ses collectivités locales. Contribution à l’analyse du système administratif camerounais, Thèse pour le doctorat d’État, Toulouse I, 1983, 745 p. (J.- A. Mazères, directeur).

 

Ouvrages

Droit, forêts et développement durable (codirection avec M. Prieur), Bruxelles, Bruylant/AUF, 1996, 567 p.

La protection consulaire (direction), SFDI, journée d’étude de Lyon, Paris, Pedone, 2006, 190 p.

La régionalisation du droit international (direction), Bruxelles, Bruylant, coll. Cahiers de droit international, 2012, 418 p.

Recueil francophone des traités et instruments internationaux en droit de l’environnement (co-auteur avec M. Prieur), 2eéd., Bruxelles, Bruylant/AUF, 2012, 1026 p. (1e éd., 1998).

Droit international de l’environnement (avec C. Migazzi, K. Neri, A. M. Smolinska et F. Paccaud), Bruxelles, Larcier,coll. Masters, 2013, 232 p.

Droit international et développement (direction), SFDI, colloque de Lyon, Paris, Pedone, 2015, 504 p.

 

Articles

« La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (Rio de Janeiro, 3-14 juin 1992) » (avec A.-Ch. Kiss), Annuaire français de droit international, 1992, pp. 823-843

« Droit international et développement durable », in M. Prieur et C. Lambrechts (dir.), Les hommes et l’environnement. Quels droits pour le XXIe siècle ? Études en hommage à Alexandre Kiss, Paris, Frison-Roche, 1998, pp. 245-268

« Les mécanismes de suivi de la mise en œuvre du développement durable », in R. Mehdi et S. Maljean-Dubois (dir.), Les Nations Unies et la protection de l’environnement : la promotion du développement durable, Paris, Pedone, 1999, pp. 103-120(article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)

« Article 10 », in J.-P. Cot, A. Pellet et M. Forteau (dir.), La Charte des Nations Unies. Commentaire article par article, 3e éd., Paris, Économica, 2005, tome 1, pp. 641-654 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Economica)

« La Charte et le droit international », Revue juridique de l’environnement, numéro spécial, 2005, pp. 191-198

« L’assistance consulaire », in SFDI, La protection consulaire, journée d’étude de Lyon, Paris, Pedone, 2006, pp. 101-114 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)

« Droit international de l’environnement et changements planétaires », in Pour un droit commun de l’environnement. Mélanges en l’honneur de Michel Prieur, Paris, Dalloz, 2007, pp. 91-102

« Régionalisme et universalisme dans la production du droit de l’environnement », in SFDI, Le droit international face aux enjeux environnementaux, Colloque d’Aix-en-Provence, Paris, Pedone, 2010, pp. 39-58 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)

« À propos de la nature de l’OHADA » in S. Doumbé-Billé, H. Guérari et R. Kherad (dir.), Droit, liberté, paix et développement. Mélanges en l’honneur de Majid Benchikh, Paris, Pedone, 2011, pp. 423-436 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)

« La juridictionnalisation des droits de l’homme en Afrique : much ado about nothing ? », in J. F. Akandji-Kombe, (dir.), L’homme dans la société internationale. Mélanges en hommage au professeur Paul Tavernier, Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 693-706(article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Larcier)

« L’Union africaine : objectifs et principes », in A. A. Yusuf et F. Ouguergouz (dir.), L’Union africaine. Cadre juridique et institutionnel. Manuel sur l’Organisation panafricaine, Paris, Pedone, 2013, pp. 57-76(article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)

« Le droit international de l’environnement : un droit de l’humanité ? », in L. Hennebel et H. Trigoudja (dir.), Humanisme et droit. En hommage au professeur Jean Dhommeaux, Paris, Pedone, 2013, pp. 221-228 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)

« Les déplacés environnementaux : la fuite devant l’environnement », Revue juridique de l’environnement, 3/2016, pp. 472-492

« Environnement et droit international : regards sur une évolution », in M. Prieur (dir.), Hommage à un printemps environnemental. Mélanges en l’honneur des professeurs Soukaïna Bouraoui, Mahfoud Ghezali et Ali Mekouar, Limoges, PULIM, 2016, pp. 561-574

« Quelle gouvernance pour l’environnement pour l’après Rio+20 ? Ambiguïtés et difficultés d’une gestion institutionnelle et politique du développement durable », in Des petits oiseaux aux grands principes. Mélanges en hommage au professeur Jean Untermaier, Paris, Mare et Martin, 2017, pp. 443-466

« Le mécanisme de saisine de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est-il approprié à sa fonction ?», in Réciprocité et universalisme : sources et régimes du droit international des droits de l’homme. Mélanges en l’honneur du professeur Emmanuel Decaux, Paris, Pedone, 2017, pp. 587-604 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)

 

Hommages 

A. Mékouar et M. Prieur (dir.), Droit, humanité et environnement, Mélanges en l’honneur de Stéphane Doumbé-Billé, Bruxelles, Larcier, 1247 p.

K. Neri, F. Lozanorios et G. Aivo, Actes de la journée en hommage au Professeur Stéphane Doumbé-Billé, EDIEC, n°2, 2020 (à paraître)

Colloque de l’Académie africaine pour la pratique du droit international, L’évolution et adaptation du droit des investissements et de l’arbitrage en Afrique, en l’honneur et en la mémoire du Professeur Stéphane Doumbé-Billé 26 février 2020