FOELIX

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JEAN-JACQUES GASPARD FOELIX

(1791-1853)

 

Fils d’un magistrat, Jean-Jacques Gaspard Foelix naît en Rhénanie le 3 juin 1791. Licencié en droit (1812) de l’Université de Coblence, alors université française, il s’installe comme avocat-avoué à Coblence (1814). Etabli en France (1826), puis naturalisé français, il s’inscrit aussitôt au barreau de Paris (1829). Fort d’une bibliothèque imposante, à raison de ses ouvrages de droit étranger notamment, bénéficiant de relations avec nombre de juristes français et étrangers, il déploie, sous la Monarchie de Juillet et les premières années du Second Empire, une carrière d’avocat, d’auteur, de directeur de revue, ponctuellement d’agent du Royaume de Prusse. Docteur en droit de l’Université de Fribourg-en-Brisgau (1838), chevalier de la Légion d’honneur (1850), membre correspondant des académies de Munich, Naples et Turin (1844), il décède à Paris le 26 mai 1853.

Champs d’action

Avocat, Foelix pratique essentiellement le conseil, souvent à destination d’une clientèle internationale. Ainsi, il est consulté à propos de l’affaire du duc de Brunswick – application extraterritoriale d’une incapacité décidée pour raison politique. Auteur, Foelix publie dans un premier temps des ouvrages relatifs au droit interne. Puis il se consacre à la recension des législations étrangères et au droit comparé et, corrélativement, comme l’y incite sa pratique d’avocat, au droit international privé. Entre 1830 et 1853, on recense six ouvrages, et cent-cinq articles ou comptes rendus issus de sa plume. Ce qui donne la mesure de sa production. Il affecte toutefois une large partie de son temps à une autre activité : celle de directeur d’une revue. D’abord dénommée Revue étrangère de législation et d’économie politiquedevenue Revue de droit français et étranger, connue sous le nom de Revue Foelix, cette publication s’attache à faire connaître les institutions et les droits étrangers. Mais elle comporte aussi nombre d’articles relatifs au droit français, à l’histoire ou à la philosophie du droit. Un ensemble considéré à l’époque comme inégalé, comprenant dix volumes sous la direction exclusive de Foelix, et sept volumes avec le concours de tiers.

Champs de réflexion

La curiosité de Foelix concerne toutes les branches du droit : le droit public comme le droit privé, le droit pénal comme la procédure, et dans le domaine du droit public, le droit constitutionnel, le droit administratif comme le droit international public. Son approche est originale. Le droit sans doute, mais dans son environnement économique et social. D’où l’intérêt qu’il porte à l’économie politique et aux statistiques, ou encore à la pratique, telle que la pratique parlementaire. Le droit sans doute, mais vivifié par la comparaison que lui autorise la maîtrise, non seulement de l’allemand et du français mais également de l’anglais et de l’italien. D’où un effort incessant en tant qu’auteur, pour aller à la recherche des institutions et des droits étrangers, et en rendre compte, avec une prédilection pour les monuments allemands ou italiens. Au point d’être regardé, même si d’autres ont déjà posé des jalons, comme le fondateur du droit comparé. Parallèlement, il oriente sa réflexion vers une autre discipline, le droit international privé, dont il est considéré là encore comme un fondateur.

L’émergence d’une discipline

Une dénomination : Foelix est le premier, en langue française, à user du vocable de droit international privé pour intituler un ouvrage. Une configuration : il esquisse les contours de la discipline, condition des étrangers, conflits de lois, conflits de juridictions, droit pénal international. Un but : non pas fixer les règles sur la base d’a priori philosophiques, mais observer lois et arrêts puis élaborer une méthode à l’effet de donner une assise rationnelle à la matière. Des sources d’inspiration : d’un côté il emprunte les techniques de l’Ancien droit, relatives aux conflits intercoutumiers, pour les projeter sur les relations internationales ; d’un autre côté, puisant chez Story, et au-delà chez les auteurs hollandais, il s’interroge sur l’obligation faite au juge d’appliquer la loi étrangère, ce qui est nouveau pour la doctrine française. Enfin, il abandonne un présupposé : celui d’un droit commun des conflits, présent chez les statutistes, dès lors que chaque Etat a désormais son propre système. Mais il reprend l’idée, sous une autre forme, par l’appel incessant au droit comparé, conçu comme raison écrite.

En matière de conflits de lois, encore sous l’empreinte des distinctions de la vieille théorie des statuts, ses développements peuvent apparaître, souvent, comme convenus, sommaires, hésitants, surprenants parfois : ainsi il se réfère toujours au domicile plus qu’à la nationalité que lui a pourtant substituée le code civil. Ayant réglé le sort des personnes et des biens, il choisit ensuite de traiter du statut de l’acte. Recentré sur l’acte, son propos, plus novateur, préfigure les évolutions futures. Mais c’est dans domaine des conflits de juridictions – comme il le souligne lui-même – que réside sans doute son véritable apport. Au-delà des règles de compétence qu’il voudrait plus souples à l’égard des étrangers, il trace, dans le domaine de la procédure et de la preuve, les limites de la lex fori. Il s’explique, comme le font les auteurs modernes, sur les mesures provisoires et conservatoires. Il s’arrête longuement sur le sort des jugements et des actes étrangers. Il s’applique à distinguer – restant encore pertinent de nos jours – ce qui relève du régime du jugement et ce qui ressortit à l’exécution forcée.

Le destin d’un livre

Le Traité du droit international privé de Foelix regroupe divers articles précédemment publiés par l’auteur. On y adjoint de façon posthume un article relatif au mariage. Paru en 1843 (2ème éd. 1847), l’ouvrage répond à un besoin : il fait suite à soixante-dix ans de silence. Il s’inscrit dans le cadre d’un intérêt renouvelé pour la discipline, à l’étranger : Story aux Etats-Unis (1834), Rocco en Italie (1837), Scheaffner (1841), Wächter (1841), Savigny (1849) en Allemagne, comme en France : Mailher de Chassat (1845) et Massé (1845). Si ces derniers ne manquent pas d’intérêt, Foelix prend le pas, peut-être à raison de la finesse de certaines de ses analyses notamment dans le domaine de la procédure, et plus encore de son approche comparatiste. Assorti d’abondantes notes, critiques parfois, qui assurent l’actualité de ses informations, le traité est réédité par Demangeat (1856 et 1866). C’est l’ouvrage de référence pendant quarante ans. L’année 1881 met fin à cette prééminence. Un enseignement de droit international privé est institué, des manuels publiés, bientôt suivis d’un travail historique, puis d’un traité et d’essais. Suranné dans sa conception, dépourvu de mises à jour, le « Foelix » s’efface, anachronique. La discipline subit une mutation. Jusqu’alors pris en charge par les praticiens, le droit international privé passe aux mains des universitaires.

 

 

Dominique FOUSSARD   Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation Président du Comité français de droit international privé
 

 

Sources : Ch. Ginoulhiac, « Nécrologie », Revue bibliographique et critique du droit français et étranger, mai 1853, pp. 123-125 ; A. Taillandier, Nécrologie, Gazette des tribunaux, 27 juin 1853 ; A. Valette, « Nécrologie. Foelix », Revue critique de législation et de jurisprudence, 1854, pp. 86-92 ; E. Laboulaye, Journal des débats politiques et littéraires,  6 mars 1854 ; J.-L. Halperin, Entre nationalisme juridique et communauté de droit, PUF-Les voies du droit, 1999, pp. 38-40 et 42-43 et pp. 35, 108, 133, 150, 154 ; B. Dölemeyer, « Karl Josef Anton Mittermaier und Jean Jacques Gaspard Foelix. Zwei Pole juristischer Kommunikation im 19. Jahrhundert », in Wechselseitige Beeinflussungen und Rezeptionen von Recht und Philosophie in Deutschland und Frankreich, dir. J.-F. Kervégan, H. Mohnhaupt, Klostermann, 2001, pp. 259-285 ; T. Guddat, Ein europäischer Jurist des 19. Jahrhunderts :Jean-Jacques G. Foelix und die rechtsvergleichende Methode in (internationalen) Privatrecht, Duncker et Humblot, 2006 ; Dictionnaire historique des juristes français, XII°-XX° siècle, dir. P. Arabeyre, J.-L. Halperin, J. Krynen, PUF-Quadrige, 2èmeéd., 2015, v° Foelix ; B. Ancel, Eléments d’histoire du droit international privé, éd. Panthéon-Assas, 2017, pp. 429, 439, 447, 463 ; C. Brière, « La pensée de Foelix : entre universalisme et particularisme. Contribution à l’histoire du droit du droit international privé », Revue critique de droit international privé, 2019, pp. 65-86.

 

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 

Ouvrages

Code forestier annoté, avec Ch. de Vaulx, L’Huillier, 1827

Traité des rentes foncières, avec Henrion,  J.-J. Blaise aîné, 1828

De la force armée de la Prusse, Ancelin, 1830.

Commentaire sur la loi du 17 avril 1832 relative à la contrainte par corps, G. Pissin, 1832

Des mariages contractés en pays étrangers : tableau comparatif des dispositions législatives qui régissent les principaux Etats de l’Europe, Joubert, 1842

De l’effet ou de l’exécution des jugements dans les pays étrangers, Joubert, 1843

Über Mündlichkeit und Öffenlichkeit des Gerichtsverfahrens, dann über das Geschwornengericht, Karlsruhe, Bielefeld,1843.

Traité du droit international privé ou du conflit des lois de différentes nations en matière de droit privé, Joubert, 1843, 2èmeéd. 1847, 3èmeéd. 1856, Marescq et Dujardin, 4èmeéd. 1866, Marescq ainé, traduit en italien (Naples, 1843, et 1870), en espagnol (Madrid, Imp. de la Revista de legislacion, 1860-1861) et reproduit IDC, Leiden, 1984 [Gallica : 2èmeet 4èmeéd.].

 

Articles

Articles publiés à la Gazette des tribunaux, auxAnnales de législation et de jurisprudence et à laRevue Foelix.

Directeur de la Revue Foelix, successivement dénommée Revue étrangère de législation et d’économie politique, Revue étrangère et française de législation et d’économie politique, Revue étrangère et française de législation, de jurisprudence et d’économie politique(1834-1843), puis Revue de droit français et étranger(1844-1850)

 

Consultations

Mémoire relatif aux débats élevés devant les tribunaux, au sujet de l’interdiction de SA le duc Charles de Brunswick, Impr. de Crapelet, 1833, S.1836.I.70-77, spéc., pp. 75-76.

Factum. Succession de Joseph-Henri Ritter, appel d’un jugement du tribunal de la Seine du 18 janvier 1851, Impr. E. Thunot, 1851, BNF, 4-FM-11530.