VIRALLY

Photo : Académie de droit international de La Haye. Avec l’aimable autorisation du Secrétaire général

MICHEL VIRALLY

(1922-1989)

 

La SFDI, en réalisant une Galerie des Internationalistes, ne pouvait faire l’impasse sur le professeur Michel Virally, celui-là même qui fut à l’origine de la création de la Société. En 1967, à l’occasion d’un colloque organisé par Mme Bastid sur les Problèmes de l’enseignement et de la recherche en droit international en France face aux besoins de la pratique, il avait en effet suggéré « la création d’un groupement scientifique destiné à favoriser l’étude et le progrès du droit international et permettant aux enseignants, chercheurs et praticiens de se rencontrer à intervalles réguliers ». Enseignant, praticien, chercheur, Michel Virally était les trois à la fois.

Michel Virally est né le 6 janvier 1922 à Autun. Issu d’une famille de juriste (son père était notaire), il s’inscrit à la Faculté de droit de Paris. Il étudie également à l’École libre de sciences politiques de Paris et au Centre de Nice, annexe de l’Université d’Aix-en-Provence. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, il devient membre des services juridiques du commandement en chef dans le Haut Commissariat de la France en Allemagne. Il y restera de 1945 à 1951. Cette expérience est à l’origine de sa thèse qui porte sur l’Administration internationale de l’Allemagne 1945-1947 et qu’il soutient en 1947. Cinq ans plus tard, en 1952, il est agrégé et commence sa carrière de professeur à la Faculté de droit de Strasbourg.

Un professeur de dimension internationale

Michel Virally est avant tout un pédagogue. Ses écrits témoignent de la clarté de ses idées et de ses qualités didactiques. Arrivé à Strasbourg dès 1949 en tant que chargé de cours, il va y rester plusieurs années, travaillant à la fois à la Faculté de droit, à l’Institut des sciences politiques et à l’Institut de droit et d’économie comparés (qu’il dirigea de 1957 à 1961). Il y enseigne le droit international, la philosophie du droit et le droit administratif. En 1960-1961, il part aux Etats-Unis en tant que Research Fellow à l’Université de Columbia. Lorsqu’il revient sur le continent européen, il intègre l’IUHEI de Genève. En 1974, il est nommé à l’Université de Paris où il restera jusqu’à sa retraite anticipée en 1987. Au cours de sa carrière, il aura également professé deux cours à l’Académie de droit international de La Haye, en 1967 sur le principe de réciprocité et, en 1983, le cours général de droit international.

Michel Virally était également très impliqué dans la diffusion de la recherche. Membre fondateur de l’AFDI avec S. Bastid, il fut ensuite, aux côtés de Ch. Rousseau, le directeur de la RGDIP à compter de 1976. Il fut également membre (dès 1979) de l’Institut de droit international dont il sera le vice-président en 1987 et il présidera la branche française de l’International Law Association à partir de 1986.

Un multi-praticien

Parallèlement à sa carrière universitaire, Michel Virally est un praticien du droit international. Il ne se contente pas d’observer et de commenter le droit, il le vit. Il en est l’un des acteurs, l’un des artisans. Pour lui, la recherche s’enrichit de la pratique et vice-versa. Ce goût pour la pratique, il l’a acquis au Haut Commissariat de la France en Allemagne lors de la rédaction de sa thèse. Il continuera, sa vie durant, à mener de front ses activités d’enseignant-chercheur et de praticien du droit international.

Ses premières fonctions, Michel Virally va les exercer en lien avec les organisations internationales, et plus particulièrement avec l’ONU. En 1964, il est le conseiller juridique du médiateur des Nations Unies pour Chypre. De 1967 à 1970, il est le représentant français au sein du Comité spécial des principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats qui est à l’origine de la célèbre résolution 2625 (XXV). En 1967 et 1981, il est l’un des membres de la délégation française aux sessions de l’Assemblée générale des Nations Unies. Il fera également partie de la délégation française à la Conférence de Vienne en 1968, à l’issue de laquelle sera adoptée la Convention sur le droit des traités.

Dans le même temps, Michel Virally va exercer en tant que conseil de plusieurs États dans de nombreux contentieux. Il sera d’abord conseil de la France dans deux arbitrages interétatiques : dans les affaires relatives à L’interprétation de l’accord franco-américain relatif au transport aérien international (sentence du 22 décembre 1963 et sentence du 9 décembre 1978) et dans l’arbitrage de la Mer d’Iroise (sentence du 30 juin 1977 et sentence interprétative du 14 mars 1978). Il sera également conseil du Maroc pour la première affaire soumise au mécanisme du CIRDI et qui se conclura par un règlement à l’amiable (Holiday Inns SA e.a. c. Maroc, aff. n° ARB/72/1). Il sera enfin conseil devant la CIJ : conseil de la Belgique pour l’affaire Barcelona Traction ; conseil de la Tunisie pour l’affaire Plateau continental ; conseil de l’Italie pour sa demande d’intervention dans l’affaire Libye/Malte en 1985.

La carrière de Michel Virally n’aurait pas été complète s’il n’avait également officié comme arbitre et juge. Suite à la crise irano-américaine, le Tribunal des réclamations Iran/États-Unis est créé en 1981. Michel Virally en fut l’un des arbitres et son président de 1985 à 1988. En 1987, il avait été désigné comme juge ad-hoc par le Honduras dans le litige qui l’opposait au Salvador devant la CIJ mais son décès prématuré le priva de siéger jusqu’au rendu de l’arrêt.

Un théoricien du droit international

L’expérience acquise sur le terrain permet à Michel Virally de développer une réflexion théorique dynamique. Ses différentes fonctions exercées au sein des Nations Unies le confrontent au phénomène institutionnel et lui permettent d’élaborer une théorie des organisations internationales. Parmi toutes ses publications sur le sujet, son principal ouvrage est L’organisation mondiale (1972). Michel Virally y expose sa vision du système onusien et présente l’organisation comme un acteur autonome de la société internationale.

Sa curiosité intellectuelle le pousse également à s’intéresser au droit international du développement dont il est l’un des premiers à conceptualiser la notion dans un article publié à l’AFDI en 1965. Défendant l’idée que le droit « repose sur des intérêts et se sert de forces sociales », Michel Virally soutient que les inégalités constatées entre pays développés et pays en développement obligent à entamer une réflexion sur l’adaptation du droit international à ces nouvelles réalités. Il se fait l’artisan d’une vision non figée du droit international.

Au-delà de ces deux thématiques particulières, Michel Virally est également un théoricien du droit et un théoricien du droit international. Dès 1960 (à 37 ans !), s’inscrivant dans une démarche empirique, il expose ses réflexions dans son ouvrage de référence La pensée juridique, dans lequel il entreprend de « découvrir quels sont les éléments constamment présents dans l’esprit humain lorsqu’il envisage les rapports sociaux sous l’angle du droit et comment ils s’articulent entre eux » (p. xxxv). Il poursuit ses analyses dans plusieurs articles dont « Le phénomène juridique » en 1966 y affirmant que « l’ordre juridique est justifié par sa nécessité, c’est d’elle qu’il tire sa validité ». Il n’en oublie pas pour autant le droit international auquel il consacrera de nombreux articles théoriques, abordant les concepts d’équité, de jus cogens, de réciprocité et de souveraineté.

 

Anne-Laure CHAUMETTE

Maître de conférences à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense

Membre du CEDIN

 

Sources : D. Bardonnet, « In Memoriam : Le Professeur Michel Virally 1922-1989 », AFDI, volume 34, 1988, pp. 7-12 ; E. Decaux, « Note de lecture. Le droit international en devenir. Essais écrits au fil des ans », Politique étrangère, 1990, pp. 424-426 ; Mélanges Virally. Le droit international au service de la paix, de la justice et du développement, Paris, Pedone, 1991, 511 p. ; J. Vinuales, « Michel Virally ou penser le phénomène juridique », AFDI, 2009, pp. 1-38

 

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 

Ouvrages

L’Administration internationale de l’Allemagne: Du 8 Mai 1945 au 24 Avril 1947, Paris, Pedone, 1948, 180 p.

La pensée juridique, 1960, rééd. Paris, Editions Panthéon Assas, 2010, 225 p.

L’ONU, d’hier à demain, Paris, Editions du Seuil, 1961, 191 p.

L’organisation mondiale, Paris, Armand Colin, 1972, 589 p.

Le nouveau droit de la mer (avec D. Bardonnet (eds.)), , Paris, Pedone, 1983, 378 p.

 

Cours

« Le principe de réciprocité dans le droit international contemporain », RCADI, t. 222, 1967-III, pp. 5-105

« Panorama du droit international contemporain: Cours général de droit international public », RCADI, t.183, 1983, pp. 9-382

 

Articles

« L’introuvable ‘acte de gouvernement’ », RDP, 1952, p. 317-358 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions Lextenso)

« La valeur juridique des recommandations des organisations internationales », AFDI, 1956, pp. 66-96

« Le rôle politique du Secrétaire général des Nations Unies », AFDI, 1958, pp. 360-399

« Les Nations Unies et l’affaire du Congo en 1960 : Aperçus sur le fonctionnement des institutions », AFDI, 1960, pp. 557-597

« Vers une réforme du Secrétariat des Nations Unies? », International Organisations, 1961, pp. 236-255

« A propos de l’affaire de Cuba : “Diplomatie tranquille” et crises internationales », AFDI, 1962, pp. 457-475

« Droit international et décolonisation devant les Nations Unies », AFDI, 1963, pp. 509-541

« Le droit international en question », Archives de philosophie du droit, 1963, pp. 145-163

« Sur un pont aux ânes: Les rapports entre droit international et droits internes », in Mélanges offerts à Henri Rolin : Problèmes de droit des gens, Paris, Pedone, 1964, pp. 488-505 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions A. Pedone)

« Vers un droit international du développement », AFDI, 1965, pp. 3-12

« Le phénomène juridique », Revue de droit public, 1966, pp. 5-64 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions Lextenso)

« Réflexions sur le “Jus Cogens” », AFDI, 1966, pp. 5-29

« Le rôle des “principes” dans le développement du droit international », in Recueil d’études de droit international en hommage à Paul Guggenheim, Genève, IUHEI, 1968, pp. 531-554

« The Sources of International Law », in M. Sorensen (ed.), Manual of Public International Law, London, St Martin’s Press, 1968, pp. 116–174

« La 2e décennie des Nations Unies pour le développement : Essai d’interprétation para-juridique », AFDI, 1970, pp. 9-33

« Droits de l’homme et théorie générale du droit international », in René Cassin amicorum discipulorumque liber, Paris, Pedone, 1970, pp. 323-330

« L’ONU devant le droit », JDI, 1972, pp. 501-533

« De la classification des organisations internationales », in Miscellanea W. J. Ganshof van der Meersch, Bruxelles, Bruylant, 1972, pp. 365-382 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions Larcier)

« La notion de fonction dans la théorie de l’organisation internationale », in Mélanges offerts à Charles Rousseau : La Communauté internationale, Paris, Pedone, 1974, pp. 277-300 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions A. Pedone)

« Notes sur la validité du droit et son fondement (norme fondamentale hypothétique et droit international) », in Mélanges offerts à Charles Eisenmann, Paris, Ed. Cujas, 1975, pp. 453-467

« Où en est le droit international du développement ? », Revue juridique et politique: Indépendance et coopération, 1975, pp. 279-290

« Le rôle des organisations internationales dans l’atténuation et le règlement des crises internationales », Politique étrangère, 1976, pp. 529-562

« Une pierre d’angle qui résiste au temps : Avatars et pérennité de l’idée de souveraineté », in Relations internationales dans un monde en mutation, Genève, IUHEI, 1977, pp. 179-195

« Les relations entre organisations régionales et organisations universelles », in SFDI, Régionalisme et universalisme dans le droit international contemporain, Paris, Pedone, 1977, pp. 147-165 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions A. Pedone)

« Sur la notion d’accord », in F. Diez and J. Monnier (eds), Festschrift Für Rudolf Bindschedler, Bern, Staempfli, 1980, pp. 159-172

« A propos de la “lex ferenda” », in Mélanges offerts à Paul Reuter, Paris, Pedone, 1981, pp. 519-533 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions A. Pedone)

« Un tiers droit ? Réflexions théoriques », in Etudes offertes à Berthold Goldman, Paris, Litec, 1982, pp. 373-385

« Résolution et accord International », in Essays in International Law in Honour of Judge Manfred Lachs, La Haye, Martinus Nijhoff, 1984, pp. 299-306

« L’équité dans le droit : À propos des problèmes de délimitation maritime », in Études en l’honneur de Roberto Ago, Milan, Giuffrè, 1987, t. II, pp. 523-534

« Le maintien de la paix et de la sécurité internationales », in R.-J. Dupuy (ed.), Manuel sur les organisations internationales, La Haye, Martinus Nijhoff, 1988, pp. 397-423

« Le rôle du droit dans un conflit de civilisations : Le cas Iran–USA », Revue des sciences morales et politiques, 1988, pp. 37-52

« Les actes unilatéraux des organisations internationales », in M. Bedjaoui (ed.), Droit international: Bilan et perspectives, Paris, Pedone, 1991, pp. 253-276 (publication posthume) (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Éditions A. Pedone)