CARRILLO SALCEDO

Photo : Académie de droit international de La Haye. Avec l’aimable autorisation du Secrétaire général

JUAN ANTONIO CARRILLO SALCEDO

(1934-2013)

 

Juan Antonio Carrillo Salcedo a obtenu le doctorat de l’Université de Séville avec félicitations après avoir soutenu une thèse sur « La réception du recours contentieux-administratif dans le système juridique de la CECA », dirigée par le professeur Mariano Aguilar Navarro. Il a occupé la Chaire de droit international aux universités de Grenade (1963-1974), Autonome de Madrid (1974-1980) et de Séville (1980-2012). Parmi ses nombreuses activités d’enseignement, on relèvera ses deux cours donnés à l’Académie de droit international de La Haye : en 1978 sur « Le renouveau du particularisme en droit international privé », et en 1996 le Cours général de droit international public. Il a également enseigné dans de nombreuses institutions et prestigieuses universités européennes. Le professeur Carrillo est également l’auteur de plus de 150 études sur le droit international public, le droit international privé et les relations internationales.

Professeur et praticien

Parallèlement, Carrillo Salcedo a été membre de la Cour permanente d’arbitrage à partir de 1977 ; membre de la Commission (1979-1985) et juge à la Cour européenne des droits de l’homme (1986-1990). Il a été aussi membre du Comité d’experts indépendants créé par le Parlement européen le 14 février 1999 pour procéder à une évaluation de la Commission des Communautés européennes.

En outre, Carrillo Salcedo a joué un rôle important en tant que membre des délégations espagnoles auprès de l’Organisation des Nations Unies (sessions de l’Assemblée générale de 1964 à 1967) et de la Conférence de La Haye de droit international privé (sessions de 1963, 1968 et 1972). En ce qui concerne également sa participation à l’élaboration de la politique étrangère espagnole, il convient de souligner les travaux menés par le professeur Carrillo au cabinet du ministre des Affaires étrangères, à l’époque de Marcelino Oreja Aguirre (1977 à 1979).

Le professeur Carrillo appartenait à de nombreuses associations scientifiques : il a été membre fondateur de l’Association espagnole des professeurs de droit international et des relations internationales ; membre de l’Institut de droit international (associé à partir de 1983 et membre depuis 1991) ; membre de la Société française pour le droit international. Il a été également membre du Curatorium de l’Académie de droit international de La Haye à partir de 2003.

Son extraordinaire travail a été récompensé par de nombreuses décorations et distinctions, parmi lesquelles le doctorat honoris causa des Universités Carlos III de Madrid (2003), Córdoba (2004), Huelva (2005) et Málaga (2006).

Un « révolutionnaire » méthodologique dans l’enseignement du droit international

Carrillo a été un pionnier de la doctrine espagnole en préconisant une approche pratique dans l’étude et dans l’enseignement du droit international public et du droit international privé. Dans les salles de classe il a introduit une authentique révolution méthodologique, qui implique le passage d’une méthode essentiellement déductive – construite sur des structures dogmatiques – pour revendiquer la fonction indispensable qui correspond à la méthode inductive dans l’enseignement des disciplines juridiques positives, à partir d’un examen attentif de l’évolution normative et de la pratique générée par son application.

Les droits de l’homme, élément clé de sa construction théorique

Inspiré notamment par Gimenez Fernández et Truyol y Serra, pour Carrillo les droits de l’homme ne sont pas seulement l’objet d’un volumineux ouvrage mais sont avant tout l’élément clé de sa construction théorique. En effet, Carrillo Salcedo a fait de la protection internationale des droits de l’homme l’axe d’une riche pensée juridique qu’il appliquera plus tard à la construction systématique des différentes disciplines internationales. Pour lui, le droit international public ne serait plus un ensemble de normes juridiques qui tentent de réglementer les relations entre les États en tant que sujets souverains et indépendants de l’ordre international, mais il constitue plutôt un ensemble de normes destinées à construire et à réglementer la communauté internationale. Dans cette perspective, le respect des droits de l’homme devient le canon de la légitimité du comportement de l’État contre lequel il n’est pas possible d’invoquer l’intérêt suprême des États.

Réflexion dynamique sur la souveraineté des États et le droit international

Carrillo Salcedo a toujours été un observateur attentif de la réalité internationale, la mettant toujours en contexte, l’analysant avec la minutie d’un sociologue et la perspective d’un historien. Son ouvrage Soberanía del Estado y Derecho Internacional (première édition datée de 1969 et la deuxième de 1976) a constitué sa première tentative de construction d’un droit international dans une lutte équilibrée entre la souveraineté de l’État et les limites juridiques internationales à ladite souveraineté.

Pour cette raison, il a analysé la permanence et les mutations de l’ordre international résultant du conditionnement du droit international par la société qui en est la base. En 1996, il a intitulé le Cours général à La Haye Droit international et Souveraineté des Etats, en ligne avec une démarche systématique. Dans sa conception, la souveraineté des États est sociologique et si importante que l’ordre international est inintelligible sans elle. De cela résulte la fragilité et le relativisme de l’ordre international et de son droit. Or, dans la pensée du professeur Carrillo (sous l´influence de René-Jean Dupuy), la souveraineté de l’État n’est plus un postulat dogmatique, mais est relativisée par les besoins de coopération et d’interdépendance qui se manifestent dans le phénomène d’organisation internationale, qui sans faire disparaître les États, les empêche de continuer à fonctionner dans une société internationale de simple juxtaposition.

Cette même conception est présente dans ses travaux sur le processus d’intégration européenne. Le professeur Carrillo a accordé une attention particulière à l’analyse d’un processus appelé à surmonter les guerres fratricides qui avaient dévasté le continent européen dans la première moitié du XXe siècle, pour étudier plus tard l’insertion de la nouvelle entité européenne dans la société internationale universelle, symbolisée à l’ONU, ainsi que les conséquences de l’incorporation de l’Espagne à celle-ci.

Ce n’est que parmi les meilleurs professeurs d’université qu’émerge parfois un enseignant, capable de transmettre non seulement des connaissances mais aussi une conception de l’Université (et par transposition de la société en général). Le Professeur Carrillo Salcedo était un « homme de loi et de foi » (S. Dreyfus), une personne simple, plein de sagesse et un excellent travailleur, mais surtout un prophète de l’espoir, dans tous les sens du terme.

 

Carmen MÁRQUEZ CARRASCO

 Professeure de droit international et relations internationales

Faculté de droit de l’Université de Séville

 

Sources : AAVV, Juan A. Carrillo Salcedo, Doctor et Magister in Hominum Iure, Universidad de Sevilla 2015 ; S. Dreyfus, « Un homme de loi, un homme de foi », Soberanía del Estado y Derecho Internacional. Homenaje al Profesor Juan Antonio Carrillo Salcedo, Córdoba-Sevilla-Málaga, 2005, I, pp. 507-510 ; P. A. Fernández Sánchez, « Introduction », pp. xi-xiv, in The New Challenges of Humanitarian Law in Armed Conflicts. In honour of Professor Juan Antonio Carrillo-Salcedo, Leiden-Boston, 2005 ; F. Mayor Zaragoza, « Juan Antonio Carrillo Salcedo : semblanza privada », Soberanía del Estado y Derecho Internacional. Homenaje al Profesor Juan Antonio Carrillo Salcedo, Córdoba-Sevilla-Málaga, 2005, I, pp. 3-15 ; M. Oreja Aguirre, « El profesor Carrillo : su dimensión pública », Soberanía del Estado y Derecho Internacional. Homenaje al Profesor Juan Antonio Carrillo Salcedo, Córdoba-Sevilla-Málaga, 2005, I, pp. 17-24 ; E. Pérez Vera y Alejandro J. Rodríguez Carrión, « En torno a las aportaciones de Juan Antonio Carrillo Salcedo al Derecho Internacional. Una aproximación siempre provisional y apasionada », Soberanía del Estado y Derecho Internacional. Homenaje al Profesor Juan Antonio Carrillo Salcedo, Córdoba-Sevilla-Málaga, 2005, I, pp. 25-34 ; Elisa Pérez Vera, « In memoriam Juan Antonio Carrillo Salcedo », Revista Española de Derecho Internacional, Vol. LXV 1 2013, pp. 11-14.

 

 

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE

 

Ouvrages

El Derecho internacional en perspectiva histórica, Madrid, Tecnos, 1991

Curso de Derecho internacional público: introducción a su estructura, dinámica y funciones, Madrid, Tecnos, 1994

Dignidad frente a barbarie: la Declaración Universal de Derechos humanos, cincuenta años después, Madrid, Trotta, 1999

La criminalización de la barbarie: la Corte Penal Internacional, [coord.], Madrid, Consejo General del Poder Judicial, 2000

El Convenio Europeo de Derechos Humanos, Madrid, Tecnos, 2003

Globalización y orden internacional, Sevilla, Universidad de Sevilla, 2005

Souveraineté des Etats et droits de l’homme en droit international contemporain (traduit et présenté par Jacobo Rios Rodriguez), Paris, Dalloz, 2016

 

Cours à l’Académie de droit international de La Haye

« Le renouveau du particularisme en droit international privé », Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye, vol. 160, pp. 181-263

« Droit international et souveraineté des Etats. Cours général de droit international public », Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye, vol. 257, 1996, pp. 36-221

 

Articles

« The international dimension of Human Rights during the Political Transition in Spain », Spanish yearbook of international law, nº 1, 1991, pp. 3-18

« Vers la réforme du système de contrôle institué par la Convention européenne des droits de l’homme », Revue générale de droit international public, 1993, pp. 49-54 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)

« The place of the European Convention of Human Rights in International Law », in The European System for the Protection of Human Rights, Martinus Nijhoff, 1993, pp. 15-24

« Le rôle du Conseil de sécurité dans l’organisation et la réglementation du ‘droit d’assistance humanitaire’ », in Le développement du rôle du Conseil de Sécurité, Colloque 1992 de l’Académie de droit international de La Haye, 1993, pp. 157-167

« Article Premier », in L.-E. Pettiti, E. Decaux, P.-H. Imbert, La Convention européenne des droits de l´homme. Commentaire article par article, Paris, Economica, 1994, pp. 135-141 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Economica)

« L’accès aux victimes : droit d’ingérence ou droit à l’assistance humanitaire ? », in Law in humanitarian crisis/Le droit face aux crises humanitaires, Commission Européenne, Bruxelles 1995, Volume II, pp. 97-123

« El Convenio Europeo de Derechos Humanos y sus Protocolos adicionales », in D. Bardonnet, A. A. Cançado Trindade, Derecho internacional y Derechos Humanos, Academie de droit international de La Haye – Instituto Interamericano de Derechos Humanos, San José – La Haye, 1996, pp. 97-140

« Reflections on the existence of a hierarchy of norms in international law », European Journal of International Law, 1997, vol. 8, pp. 583-595

« Quels juges pour la nouvelle Cour européenne de droits de l’homme ? », Revue universelle des droits de l’homme, 1997, pp. 1-19

« El fundamento del Derecho internacional. Algunas reflexiones sobre un problema clásico », Revista Española de Derecho Internacional Vol. L, 1998-1, pp.13-31

« Permanence et mutations en droit international », in Boutros-Ghali Amicorum Discipulorumque Liber, Bruxelles, Bruylant, 1998, pp. 291-304 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Bruylant)

« Le Conseil de l’Europe et la Convention européenne des droits de l’homme », in Manuel sur les organisations internationales, René-Jean Dupuy (dir.), Académie de Droit International de La Haye, 2e éd., Martinus Nijhoff, 1998, pp. 258-291

« La Cour pénale internationale : l’Humanité trouve une place dans le droit international », Revue générale de droit international public, 1999, pp. 23-28

« La valeur juridique de la Déclaration universelle des droits de l’Homme dans l’ordre international », in La Déclaration universelle des droits de l’homme. Avenir d’un idéal commun, La Documentation Française, Paris 1999, pp. 283-295

« The inherent powers of the International Tribunal for the former Yugoslavia to issue ‘subpoena duces tecum’ to a sovereign State », Mélanges en l’honneur de Nicolas Valticos. Droit et Justice, Paris, Pedone, 1999, pp. 269-280 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)

« La dimension internationale des droits de l’homme lors du passage à la démocratie en Espagne », in Catherine Teitgen-Colly (éd.), Cinquantième anniversaire de la Convention européenne des droits de l`homme, Bruxelles, Nemesis-Bruylant, 2002, pp. 107-122 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Bruylant)

« La peine de mort, peut-elle être considérée comme une peine inhumaine et dégradante ? », in Libertés, Justice, Tolérance. Mélanges en hommage au Doyen Gérard Cohen-Jonathan, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 385-391(article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Bruylant)

« Algunas reflexiones sobre la noción de Comunidad Internacional », Anales de la Real Academia de Ciencias Morales y Políticas, Nº 85, 2008, pp. 373-386

« Las formaciones G en las relaciones internacionales contemporánea. Entre el poder y la legitimidad dos modelos para la gobernabilidad mundial », Anales de la Real Academia de Ciencias Morales y Políticas, nº 88, 2011, pp. 59-68

« Los derechos humanos y la paz: hacia una relectura de la noción de Estados civilizados », Tiempo de paz,  nº 100, 2011, pp. 101-104

« En torno al significado histórico de los Convenios de Ginebra de 1949 », Estudios de derecho internacional y de derecho europeo en homenaje al profesor Manuel Pérez González / coord. por Mariano J. Aznar Gómez; Jorge Cardona Llorens (ed. lit.), Jorge Antonio Pueyo Losa (ed. lit.), José Luis Rodríguez-Villasante y Prieto (ed. lit.), José Manuel Sobrino Heredia (ed. lit.), Manuel Pérez Gómez (hom.), Vol. 1, 2012 (Tomo I), pp. 315-322.

« Sobre el pretendido « derecho a decidir » en Derecho Internacional contemporáneo », El Cronista del Estado Social y Democrático de Derecho, nº 33, 2013, pp. 20-22

« Reflexiones a la luz de la sentencia del Tribunal Europeo de Derechos Humanos en el caso Hirsi Jamaa y otros contra Italia (Sentencia de 23 de Febrero de 2012) : derechos de los inmigrantes en situación irregular en España », Teoría y realidad constitucional, nº 32, 2013, pp. 285-291