PÉREZ DE CUÉLLAR

Photo: ONU

JAVIER PÉREZ DE CUÉLLAR

(1920-2020)

 

Javier Pérez de Cuéllar, diplomate et homme d’Etat péruvien, est né le 19 janvier 1920 et est décédé, centenaire, le 4 mars 2020.

Une carrière de diplomate

Diplômé de la Faculté de droit de l’Université catholique de Lima puis avocat, il a mené une carrière de diplomate plus que de juriste. Il est néanmoins l’auteur d’un Manual de derecho diplomático paru en 1964. Il a aussi été professeur de droit international à l’Academia diplomática del Perú et a enseigné les relations internationales à l’Academia de Guerra Aéra del Perú au début des années soixante.

Sa riche carrière de diplomate commence au début des années 1940, quand il rejoint le ministère des relations extérieures du Pérou. En 1946, il participe en qualité de délégué du Pérou à la première session de l’Assemblée générale de l’ONU. Il représentera également son pays à l’Assemblée générale en 1971, puis au Conseil de sécurité en 1973 et 1974. Il occupe successivement les postes d’ambassadeur en URSS et en Pologne entre 1969 et 1971, ou encore de représentant permanent du Pérou auprès l’ONU entre 1971 et 1975. Le 18 septembre 1975, il est nommé Représentant spécial du Secrétaire général à Chypre, poste qu’il occupera jusqu’au mois de décembre 1977.

Secrétaire général de l’ONU

En 1981, il est élu Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, fonction qu’il exerce de janvier 1982 à décembre 1991. Ses deux mandats, au cours desquels le monde a profondément changé, passant des crises de la Guerre froide à la chute du rideau de fer, ont contribué à l’affirmation de l’ONU. Pérez de Cuéllar, de manière discrète mais efficace, s’est fait le chantre du multilatéralisme. Pour lui, « l’idée d’un corps de droit international qui forme un tout et soit généralement accepté est au cœur de la Charte des Nations Unies ». Dès lors, « tous les Etats devaient reconnaitre qu’il n’y [a] de solution de rechange viable et à long terme à une politique de développement et de coexistence pacifique que dans le cadre du droit international » (visite à la Commission du droit international des Nations Unies, 4 juillet 1983).

Pérez de Cuéllar considérait qu’amener les parties à la table des négociations faisait partie intégrante de la mission d’un secrétaire général. Qualifiant la négociation de « grande école de la vie qui exige de ses acteurs une bonne préparation, patience, ouverture d’esprit et crédibilité », il estimait que l’enseignement de cette matière avait toute sa place dans les écoles et universités. La négociation intergouvernementale au sein des Nations Unies était toutefois unique à ses yeux, de par son cadre institutionnel sans égal, ses règles de procédure et le nombre d’acteurs et d’intérêts en jeu.

C’est ainsi qu’avec lui, la « diplomatie privée » du Secrétaire général des Nations Unies connaîtra des développements notables. Pendant son mandat, il a dirigé la médiation entre l’Argentine et le Royaume-Uni au sujet des Malouines, négocié le cessez-feu entre l’Iran et l’Irak, participé aux négociations pour l’indépendance de la Namibie, joué un rôle dans la libération des otages américains au Liban, et est intervenu dans le conflit entre le Maroc et le Front Polisario au sujet du Sahara occidental. Il s’implique également dans le différend qui oppose la Turquie à la Grèce au sujet de Chypre. Sa « médiation » dans l’affaire du Rainbow Warrior opposant la France et la Nouvelle-Zélande fait aussi partie des succès à porter à son actif.

Sous son mandat, l’ONU obtient le retrait des troupes soviétiques d’Afghanistan, le désengagement de Cuba et de l’Afrique du Sud d’Angola, ou encore l’entente de paix entre le gouvernement du Salvador et la guérilla marxiste. Pérez de Cuéllar soutint également les pourparlers ayant mené au retrait des troupes vietnamiennes du Cambodge.

Dans le rapport annuel sur l’activité de l’ONU de 1991, il affirme que l’Organisation ne doit pas « monopoliser le processus de paix », mais qu’il lui appartient d’agir lorsque les accords ou organismes régionaux se soldent par un échec ou ne sont pas mis en place. Pérez de Cuéllar prônait aussi un recours accru à la Cour internationale de Justice pour résoudre les crises internationales, soit par les Etats concernés eux-mêmes, soit dans le cadre de la procédure consultative. Dans ses rapports de 1990 et 1991, il propose d’ailleurs que le Secrétaire général de l’ONU se voie attribuer le pouvoir de demander à la Cour un avis consultatif. Il créé également en 1989 un Fonds d’affectation spéciale dans le but d’apporter une assistance financière aux Etats afin de les encourager à saisir la Cour.

Lors de l’éclatement de l’URSS et au regard du contexte de la Guerre du Golfe en 1991, Perez de Cuéllar fait face au dilemme de l’action humanitaire : il prône alors la « prudence » par rapport au respect de la souveraineté des Etats et « l’audace » d’agir en réponse à la violation des droits de l’Homme.

Après l’achèvement de son mandat, il s’est dit favorable à une révision de la Charte afin de consacrer une exception au principe de non-intervention dans les affaires internes des Etats dans les cas de terrorisme et de crime contre l’humanité. De même, l’absence de respect des droits de l’Homme – pourtant consacrés par la Charte – dans de nombreux Etats, justifiait selon lui l’incorporation de la Déclaration universelle des droits de l’Homme dans le corps de la Charte des Nations Unies afin de renforcer son caractère obligatoire.

Une vie après l’ONU

En 1992, il devient Président de la Commission mondiale de la culture et du développement de l’UNESCO, poste qu’il occupera jusqu’en 1996. Il se présente à l’élection présidentielle de 1995 où il échoue face au président sortant Alberto Fujimori.

Par la suite, il est également Président du Conseil des ministres du Pérou entre novembre 2000 et juillet 2001. Francophone et francophile, il est nommé la même année en 2001 ambassadeur du Pérou en France et auprès de l’UNESCO et ce, jusqu’en 2004.

A sa mort, les hommages se sont multipliés pour saluer sa mémoire. L’ancien Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, a ainsi salué un « des grands diplomates du 20e siècle », et d’ajouter : « En tant que protecteur de la paix, partisan des droits de l’homme et défenseur du développement, il a opéré des changements durables qui ont transformé la trajectoire de la communauté internationale vers un avenir meilleur ».

La contribution à la paix de Pérez de Cuéllar avait déjà été saluée de son vivant : dès 1987, il avait ainsi reçu le prix Prince des Asturies pour la promotion de la coopération ibéro-américaine, ainsi que le prix Jawaharlal Nehru pour la compréhension internationale, puis le prix Olof Palme pour la compréhension internationale et la sécurité commune, en 1989. Plus significatif, peut-être, c’est sous deuxième mandat de secrétaire général, en 1988, que les forces de maintien de la paix de l’ONU ont reçu le Prix Nobel de la Paix.

 

Aboubacar DIAKITÉ

Docteur en droit de l’Université Sorbonne Paris Nord

Chercheur post-doctoral à la Chaire de recherche sur l’antidopage dans le sport – Université de Sherbrooke

 

Sources : « Entrée en fonction de Javier Pérez de Cuéllar au poste de secrétaire général des Nations unies », Perspective Monde, Université de Sherbrooke, 1er janvier 1982, Biographie de M. Javier Pérez de Cuéllar, Secrétaire général de ONU ; Annexe au communiqué de presse n° 82/9 de la CIJ, 1er juillet 1982 ; Rapport de la Commission à l’Assemblée générale sur les travaux de sa trente-cinquième session, Annuaire de la Commission du droit international, vol. 2, 2e partie, 1983, p. 6 ; « L’ancien Secrétaire général Javier Pérez de Cuéllar décédé à 100 ans a eu un impact profond sur le monde », ONU Info, 5 mars 2020.

 

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 

Ouvrages

Manual de derecho diplomatico, Lima, Peru: Ediciones peruanas, 1964, 178 p.

L’anarchie ou l’ordre : rapports annuels / Nations Unies, New York : Nations Unies, 1991, 401 p.

Pilgrimage for peace : a Secretary-General’s memoir, Basingtoke : Macmillan, 1997, 518 p.

 

Articles                                                                               

« La diplomatie préventive du Secrétaire général de l’ONU », in Actualités des conflits internationaux. Rencontres internationales de l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence des 4 et 5 décembre 1992, Paris, Pedone, 1993, pp. 49-60 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)

« The role of the UN Secretary-General », in United Nations, divided world : the UN’s roles in international relations, Oxford : Clarendon Press, 2nd edition, 1993, pp. 125-142

« The role of the UN Secretary-General », in The politics of global governance : international organizations in an interdependent world, 1997, pp. 91-101

« Du Secrétaire général, des Etats et de la Charte des Nations Unies », in R. Chemain, A.Pellet (dir.), La Charte des Nations Unies, constitution mondiale ?, Paris, Pedone, 2006, pp. 195-197 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)

« El Consejo de Seguridad de las Naciones Unidas », in  Política internacional : Revista de la Academia  Diplomática del Peru, 2011, pp. 11-16

 

Préfaces

Préface in « Internationalisme et droits de l’homme », Les Cahiers de droit, vol. 27, n° 1, 1986, pp. 5-12

Préface à la 1ère édition in A. Pellet, J.-P. Cot, M. Forteau, La Charte des Nations Unies. Commentaire article par article, Paris, Economica, 2e éd., 1991, pp. VII-VIII (texte mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Economica)

Préface in I. B. Y. Diallo, Introduction à l’étude et à la pratique de la négociation, Paris : éd. Pedone, Genève : Institut Henry Dunant, 1998, pp. V-VII

Préface in R. Chemain, A. Pellet (dir.), La Charte des Nations Unies, Constitution mondiale ?, Paris, Pedone, 2006, pp. 9-10 (texte mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)

 

Entretiens

« An Interview with the Honorable Javier Perez de Cuéllar, Secretary-general of the United Nations » (avec C. Hills, C. Shaw), The Fletcher Forum of World Affairs, vol. 14, n° 1, 1990, pp. 87-92

« Javier Pérez de Cuéllar interviewed by Romuald Sciora », in L’ONU dans le nouveau désordre mondial, Ivry-sur-Seine: Les Editions de l’Atelier, 2015, pp. 157-165