RIAD

Photo : Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

FOUAD ABDEL-MONEIM RIAD

(1928-2020)

 

Juriste, internationaliste, violoniste, juge, professeur, Fouad Riad a marqué sur le droit international privé et public, en Égypte et sur la scène internationale, notamment à travers ses publications en langues arabe, anglaise et française, ses cours de droit et sa contribution au développement du droit positif.

Introduction au monde du droit

Fouad Riad est né en Égypte le 8 octobre 1928. Son père, Mohamed Abdel-Moneim Riad, l’un des fondateurs du Conseil d’État égyptien, participa à la naissance de l’Organisation des Nations Unies et fut professeur de droit à l’Université Fouad Ier, désormais Université du Caire. De cette enfance riche en droit et en culture, Fouad Riad développa une passion pour le droit et pour la justice.

Après sa licence de droit de la Faculté de droit à l’Université Fouad Ier, en 1948, Riad continua ses études supérieures à l’étranger, grâce à une bourse d’études du gouvernement égyptien. Il obtint une maîtrise en droit comparé de l’Université de Cambridge en 1951 et soutint sa thèse en 1956 sur La valeur internationale des jugements en droit comparé, au terme d’un doctorat commencé sous la direction du professeur Jean-Paulin Niboyet et continué sous celle d’Henri Batiffol. Un premier ouvrage, certes, mais « celui d’un maître » selon la préface de la thèse signée par le doyen Batiffol, pour laquelle Riad reçut le Prix des sciences comparées et le Prix de droit international de l’Université de Paris.

Un professeur sans frontières

Sa thèse achevée, Riad retourna dans son pays natal pour prendre ses fonctions à la Faculté de droit de l’Université du Caire. Au long de sa carrière riche en activités variées, l’enseignement garda une place privilégiée dans son cœur. Il resta en fonction dans cette université, présidant la Section de droit international privé jusqu’à son éméritat. Il continua à enseigner jusqu’en 2018.

Riad maintint sa base en Égypte, mais fut invité à enseigner dans de nombreuses institutions autour du monde, telles que les universités de Bordeaux, de Rennes, de Paris I, V, et XII, entre 1980 et 1993, ainsi qu’à l’Université de Beyrouth à partir de 1969. Il traversa l’Atlantique pour son enseignement et ses recherches aux universités de Colombia, en 1960, et de Californie, en 1961.

En 1963, Riad dispensa à l’Académie de droit international de La Haye le cours spécial intitulé « L’entreprise publique et semi-publique en droit international privé ». Trois ans plus tard, il dirigea la section de langue anglaise du Centre de recherches de l’Académie, sur le thème des « Problèmes de droit international privé nés de la cession de territoires ou de l’accession de territoires à l’indépendance ».

En reconnaissance de ses travaux académiques et scientifiques, en 1983, il rejoignit l’Institut de droit international, dont il a été troisième vice-président de 1993 à 1995. Riad a été élu président de la Société égyptienne de droit international dont il était devenu membre en 1990. De plus, l’université Paris XII Val-de-Marne lui conféra le titre de docteur honoris causa en 1991. Il a aussi reçu le Prix national égyptien pour les sciences humaines en 1993.

Cette présentation rapide de Fouad Riad ne fait toutefois pas justice à son œuvre académique et scientifique. Il traversa les frontières étatiques, les frontières juridiques (entre le droit international privé et le droit international public) mais aussi les frontières universitaires. Sa curiosité scientifique s’étendait au monde de l’art, aux sports, et il considérait que sa fonction d’enseignant englobait également le partage de ces passions avec ses étudiants. Sa volonté de participer à l’amélioration de l’expérience humaine le poussa à participer à la création du droit positif.

Un internationaliste praticien pour l’amélioration de la condition humaine

Parallèlement à sa carrière universitaire, Riad fut admis au Barreau du Caire en 1967. Il participa à nombre de procédures internationales et nationales en tant conseil et expert juridique, tel que l’affaire SPP (Middle East) Limited c. Égypte, dite affaire du Plateau des pyramides, en 1982, ainsi que l’affaire Waguih Elie George Siag et Clorinda Vecchi c. Égypte, dite affaire SIAG, deux affaires phares dans leurs domaines.

En 1959 et 1960, il rejoingnit les conseillers juridiques de l’Agence internationale de l’énergie atomique. En 1977 et 1978, il présida le Comité plénier de la Conférence des Nations Unies sur la succession d’États en matière de traités. Ces deux premières expériences préparèrent Fouad Riad pour son mandat de juge au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, remplaçant son compatriote Georges Abi-Saab. Élu en 1995, il resta en fonction jusqu’en 2001. Par les décisions auxquelles il participa, Fouad Riad joua un rôle direct dans l’élaboration et la clarification du droit pénal international contemporain, notamment sur les notions de génocide et de la responsabilité des commandants.

La fin de son mandat au Tribunal ne marqua toutefois pas la fin de ses activités (il siégera notamment en tant qu’arbitre au sein de tribunaux constitués sous l’égide de la Cour d’arbitrage de la CCI), bien que cette période de sa vie ait été déterminante pour le rôle qu’il décida d’assumer dans les années qui ont suivi.

Un humaniste impliqué

De retour en Égypte, Riad œuvra sans cesse pour la protection des droits de l’Homme et la promotion de l’égalité. En sa qualité de membre du Conseil national des droits de l’Homme, il joua un rôle central dans la modification du droit égyptien de la nationalité. C’est grâce à ses efforts que, depuis 2008, cette loi assure l’égalité entre femmes et hommes, en permettant la transmission de la nationalité égyptienne sans distinction.

Par ailleurs, il dirigea un nombre de commissions d’enquête sur divers sujets d’importance nationale et internationale. En 2014, il présida la Commission nationale indépendante d’établissement des faits, chargée de diriger les enquêtes dans « 10 dossiers de travail » relatifs aux troubles politiques en Égypte. Dans ses rapports, Riad ne se retenait pas d’identifier les auteurs et les responsables des violations révélées au grand jour.

Il continua ses efforts pour la promotion des droits de l’Homme à l’aide de ses multiples publications. Son dernier ouvrage, publié en décembre 2019, visait « tout citoyen intéressé par la cause publique ». Il y adoptait une approche juridique, philosophique et sociale des questions de droit de l’Homme et de leurs solutions potentielles, afin de les rendre abordables au plus grand nombre de lecteurs, dans l’espoir de propager la culture de ces droits fondamentaux.

Homme hors du commun dans son parcours, son amour pour autrui, sa richesse intellectuelle, sa curiosité scientifique, et son art de vivre, Fouad Riad s’est éteint en janvier 2020, laissant un héritage de connaissances à ses étudiants souhaitant suivre ses pas et, comme lui, tenter de manier le droit pour sculpter un monde meilleur.

 

Nour EL GHADBAN

Avocate au Barreau du Caire

et

Tarek EL GHADBAN

Doctorant à l’École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Assistant enseignant à la Faculté de droit de l’université du Caire

 

Sources : « À la recherche de la vérité – Égypte » [en ligne], Ahram Hebdo, 13 janvier 2014 ; « Fact-finding mission to present Rabaa report late September », Daily News, 16 août 2014 ; Comité de rédaction à la Conférence, Conférence des Nations Unies sur la succession d’États en matière de traités, vol. III, Vienne, Documents officiels de la Conférence des Nations Unies sur la succession d’États en matière de traités, 1977, p. 185-188 ; « Les soucis d’un juge égyptien », Al-Ahram Hebdo, 13 octobre 2010 ; A. Ponsard, « F. A. M. Riad, « La valeur internationale des jugements en droit comparé », Revue internationale de droit comparé, 8 mars 1956, no 1, p. 189-191 ; Arrêtés du 22 octobre 1991 conférant le titre de docteur honoris causa ; « La dixième session du Centre de recherches de l’Académie de droit international de La Haye (août-septembre 1966) » Revue internationale de droit comparé, 1965, no 4, p. 929-930 ; Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, M. Riad nommé Juge du Tribunal en remplacement du Juge Abi-Saab, communiqué de presse du 2 octobre 1995.

 

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 

Ouvrages

La valeur internationale des jugements en droit comparé, Paris, Sirey, 1955, 210 p.

Principes du droit international privé dans les lois libanaise et égyptienne concernant la nationalité, le statut des étrangers, et le conflit de juridiction international, Beyrouth, Dar Al-Nahda, 1969(مبادئ القانون الدولي الخاص في القانونين اللبناني والمصري : في الجنسية ومركز الأجانب وتنازع الإختصاص القضائي الدولي) , ouvrage en arabe (non-traduit en français)

Le droit international privé (Al-Wasit) (avec S. Rashed), Le Caire, Dar Al-Nahda, 1974 (الوسيط فى القانون الدولى الخاص), ouvrage en arabe (non-traduit en français)

Le précis de la nationalité : une étude comparée du droit égyptien Le Caire, Dar Al-Nahda, 1983 (الوسيط فى الجنسية : دراسة مقارنة لاحكام القانون المصرى), ouvrage en arabe (non-traduit en français)

Précis des conflits de lois (الوسيط في تنازع القوانين), Le Caire, Dar Al-Nahda, 1984, ouvrage en arabe (non-traduit en français)

Les soucis d’un homme égyptien (هموم انسان مصري), Le Caire, Dar Al-Nahda, 2010, ouvrage en arabe (non-traduit en français)

Tribulations de notre fabrication et solutions entre nos mains (محن من صنعنا وحلول بين ايدينا), Le Caire, Dar Al-Shorouq, 2019, ouvrage en arabe (non-traduit en français)

 

Cours

« L’entreprise publique et semi-publique en droit international privé », RCADI, vol. 108, 1963, pp. 561-691

 

Articles

« Le droit et le développement économique et social », Institut national d’administration et de développement, La formation juridique et le développement au Proche-Orient : Table ronde, Beyrouth, Conseil de la fonction publique, 1968,pp. 1-24

« Equality among nations », Revue égyptienne de droit international, 31, 1975, pp. 157-178

« À propos de la nouvelle législation égyptienne sur la nationalité », Revue égyptienne de droit international, 33, 1977, pp. 1-15

« Les contrats de développement », Revue égyptienne de droit international, 42, 1986, pp. 253-281

« Pour un code européen de droit musulman », in A. Bastenier, J.-Y. Carlier et F. Rigaux (dir.), Le statut personnel des musulmans : droit comparé et droit international privé, Bruxelles, Bruylant, 1992, pp. 379-382(article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Bruylant)

« Les conflits de lois en droit interne et en droit international privé égyptien dans les matières de statut personnel » (avec H. Sadek), in A. Bastenier, J.-Y. Carlier et F. Rigaux (dir.), Le statut personnel des musulmans : droit comparé et droit international privé, Bruxelles, Bruylant, 1992, pp. 67-108(article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Bruylant)

« Portrait du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie » (en arabe), Boutrous Boutros-Ghali : Amicorum Discipulorumque Liber, Bruxelles, Bruylant, 1998, pp. 661-643 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions Bruylant)

 

Video

Grands d’Égypte, Interview sur Nile TV International, 17 avril 2013