ROLIN-JAEQUEMYNS

GUSTAVE ROLIN-JAEQUEMYNS

(1835-1902)

 

Gustave Rolin- Jaequemyns est né à Gand (Belgique) le 31 janvier 1835 et mort à Bruxelles le 9 janvier 1902. Il fit ses études à l’université de Gand où il obtint en 1857 les diplômes de docteur en droit et en sciences politiques et administratives. En 1869, il ajouta à son patronyme le nom de sa épouse, Emilie Jaequemyns.

Gustave Rolin-Jaequemyns était à la fois « homme de pensée et homme d’action. Sa vie se partagea entre les méditations du savant et les initiatives créatrices de l’homme d’Etat » (M. Vauthier).

L’homme politique

Devenu avocat sous la pression paternelle, il considérait comme un devoir de s’attacher aux principes de justice et de progrès. Il fonda en 1867 le Gentsche Volksbank de Gand sur le modèle du système des banques populaires créées en Allemagne. Mû par cette même logique, il participa activement à la vie politique belge dans les rangs du parti libéral. Après son élection à la chambre des représentants en 1878, il fut nommé ministre de l’Intérieur. Il participa jusqu’en 1884 au mouvement réformateur mis en place par le cabinet Frère-Orban, faisant face avec une énergie persévérante et sereine aux critiques brutales de l’opposition.

Sa notoriété lui valut d’être appelé auprès du roi de Siam en tant que conseiller général et ministre plénipotentiaire, fonctions qu’il remplit jusqu’en 1901. Rolin-Jaequemyns fut au Siam l’âme du mouvement des réformes. Ce petit pays traversait une crise grave et sa situation l’exposait aux convoitises françaises et britanniques. Rolin-Jaequemyns déploya tout son talent pour transformer progressivement les institutions gouvernementales et administratives du pays. Il entreprit un important travail législatif en instituant une nouvelle constitution, un code de procédure civile, un code pénal, un code forestier, ainsi que d’importants décrets sur l’abolition de l’esclavage. En reconnaissance de son engagement, le roi du Siam lui décerna la plus haute distinction réservée aux membres de la famille royale, le titre de Chao Phya Raja Sayammanukulkit.

Fondateur de la Revue de droit international et de législation comparée et de l’IDI

Avant de mener cette carrière de premier plan, Rolin-Jaequemyns s’était mis au service de la science juridique et du progrès mondial en participant avec Tobie Michel Charles Asser et John Westlake, avec qui il s’était lié d’amitié à l’occasion des congrès de l’Association internationale pour le progrès des sciences sociales, à la fondation de la Revue de droit international et de législation comparée et de l’Institut de droit international.

Créé en 1869, le périodique ambitionnait, comme le précise Rolin-Jaequemyns dans le premier article publié dans la revue, d’être un auxiliaire dans le domaine juridique, en faisant connaître les institutions et les lois de l’étranger. Mais la revue se voulait aussi une tribune toujours ouverte aux opinions nouvelles afin de favoriser collectivement la connaissance et le développement du droit des gens. Au travers des Chroniques du droit international, publiées dans la revue, Gustave Rolin-Jaequemyns développa avec un esprit libre de nombreuses analyses relatives aux rapports entre les nations, par exemple à propos de la question arménienne ou du conflit gréco-turc. Il consacra également plusieurs travaux majeurs à l’arbitrage, au rôle des Etats neutres, au droit de la guerre ou plus généralement à l’étude du droit international. Se manifeste notamment dans l’œuvre de Rolin la pensée que le droit des gens n’est pas un assemblage de fragments mais un édifice complet.

En 1872, sur la sollicitation de ses confrères Asser et Westlake, Gustave Rolin-Jaequemyns entreprit l’organisation d’une conférence internationale de juristes. Cette initiative fut exposée aux lecteurs de la revue en 1873 dans un article intitulé « De la nécessité d’organiser une institution scientifique permanente pour favoriser l’étude et le progrès du droit international ». Rolin-Jaequemyns y détaillait l’ambition de ce projet : mettre en place un organe indépendant de tout lien officiel, qui pourrait donner corps par « l’action scientifique collective » au progrès du droit international, de telle sorte qu’il puisse répondre aux besoins des sociétés modernes. L’organisation devait être un corps savant et non un corps politique. La première réunion eut lieu le 8 septembre 1873 à Gand. Le 11 septembre 1873, l’Institut de droit international vit officiellement le jour et prit pour devise : Justitia et Pace. Rolin-Jaequemyns fut le premier secrétaire général de cette institution (poste qu’il occupera également une seconde fois de 1887 à 1892). Il en sera également élu par deux fois président en 1879 et 1885 et se verra décerner en 1892, lors de la session de Genève, le titre de président d’honneur.

Rolin-Jaequemyns fut par ailleurs membre de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye. Ses actions dans le domaine des sciences juridiques lui ont valu de nombreuses distinctions (docteur honoris causa des universités d’Oxford, Cambridge et Edimbourg), membre de l’Académie royale de Belgique, professeur honoraire à l’Université de Bruxelles. Elles ont surtout engendré un puissant mouvement, aujourd’hui encore perceptible, dans la diffusion et la connaissance du droit international.

 

Claudine MOUTARDIER  

Docteur en droit public

Ingénieur d’études Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité

 

Sources : Nécrologie de Gustave Rolin-Jaequemyns, Revue de droit international et de législation comparée, 1902, pp. 88-122 ; E. Descamps, Notice nécrologique de Gustave Rolin-Jaequemyns, Ann. IDI, vol. 19, 1902, pp. 391-415 ; P. Laycock, « Rolin-Jaequemyns (Gustave) », Académie royale des Sciences d’Outre mer, 2002 ; E. Nys, Notice Gustave Rolin Jaequemyns, Académie Royale de Belgique, Annuaire année 1910, pp. 52-88 ; M. Walraer, « Rolin-Jaequemyns », Institut Royal colonial de Belgique, Bibliographie coloniale belge, t. I, 1955, col. 763-768

 

 

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 

Ouvrages

Le droit international et la question d’Orient, Gand, Au Bureau de la Revue de Droit international, 1876, 125 p.

 

Articles

« De l’étude de la législation comparée et du droit international, (partie 1) », RDILC, 1869, pp. 1-17

« De l’étude de la législation comparée et du droit international, (partie 2) », RDILC, 1869, pp. 225-244

« La guerre actuelle dans ses rapports avec le droit international », RDILC, 1870

« Second essai sur la guerre franco-allemande dans ses rapports avec le droit international », RIDILC, 1870

« De la manière d’apprécier au point de vue international les faits de la dernières guerre », RDILC, 1872, pp. 481-524

« De la nécessité d’organiser une institution scientifique permanente pour favoriser l’étude et le progrès du droit international », RDILC, 1873, pp. 463-491

« Le rôle et la mission des nations neutres ou secondaires dans le développement du droit international », Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 1875, 2e série, t. 39, fascicules 1/6, pp. 751-765

« L’Institut de droit international devant l’opinion publique », RDILC, 1875, pp. 291-506

« Chronique de droit international : La question d’Orient – l’Armistice. La Conférence de Constantinople et ses suites », RDILC, 1876, pp. 511-543

« L’Institut de droit international et le Comité central du Croissant rouge », RDILC, 1877, pp. 584-602

« De l’arbitrage comme moyen d’accommoder des différents entre nations, Discours à l’Académie royale de Belgique », Bulletin de l’Académie Royale, 1883, série 3, Tome 5, pp. 647 et s.

« Les principes philosophiques du droit international. Examen critique du système de J. Lorimer (partie I) », RDILC, 1885, pp. 517-560

« Les principes philosophiques du droit international. Examen critique du système de J. Lorimer (partie II) », RDILC, 1886, pp. 49-82

« Chronique du droit international : La question d’Orient en 1885-1886. Les évènements de Bulgarie et les grandes puissances de l’Europe », RDILC, 1886, pp. 378-433

« Chronique du droit international : La question d’Orient en 1885-1886. Les évènements de Bulgarie et la théorie de l’équilibre des Balkans », RDILC, 1886, pp. 506-535

« Chronique du droit international : le conflit gréco-turc », RDILC, 1886, pp. 591-526

« Chronique du droit international : La question d’Orient : l’Arménie, les Arméniens et les traités (partie I) », RDILC, 1887, pp. 284-325

« Les alliances européennes du point de vue du droit international », RDILC, 1888, pp. 5-35

« La question des passeports d’Alsace-Lorraine », RDILC, 1888, pp.615-623

« Quelques mots encore sur l’acte général de la Conférence de Bruxelles et la répression de la traite », RDILC, 1891, pp. 560-576

 

Rapports et travaux à l’Institut de droit international

« Les trois règles de Washington sur le droit maritime proposé par le Traité de Washington du 8 mai 1871 (présenté à l’Institut du Droit international session de Genève 1874) », RDILC, 1874, pp. 561-570

« Rapport sur la question des lois et coutume de la guerre (Session de La Haye 1875) », RDILC, 1875, pp. 447-529

« Droit d’expulsion des étrangers. Rapport à l’Institut du droit international (session de Lausanne 1888) », RDILC, 1888, pp. 498-504

« Proposition pour la limitation conventionnelle des dépenses et des effectifs militaires », Ann. IDI, 1888, pp. 337-339 et pp. 344-356