ADACHI

Photo : Österreichische Nationalbibliothek
Photo : Österreichische Nationalbibliothek

MINEICHIRŌ ADACHI

(1870-1934)

 

Né dans la préfecture de Yamagata le 29 juillet 1870, Mineichirō Adachi (安達 峰一郎) est considéré comme étant le premier grand internationaliste japonais des temps modernes. Diplômé de droit de l’Université de Tokyo en 1892, il y commença sa carrière en tant que professeur assistant avant de devenir diplomate et d’atteindre les plus hauts sommets de la diplomatie japonaise. Il fut un internationaliste complet : professeur de droit, grand négociateur, il a été membre du Comité des juristes ayant rédigé les statuts de la CPJI, juridiction dont il a été président de 1931 jusqu’à sa mort en 1934.

Le diplomate : un « négociateur né »

Dès son entrée au ministère des Affaires étrangères en 1893, Adachi est envoyé en tant que chargé d’affaires à Rome (1893-96) puis à Paris (1902), avant de devenir conseiller à Tokyo. Pendant cette période, il participe activement au contentieux international intéressant le Japon : il rédige notamment les mémoires dans l’affaire Japanese House Tax de 1905.

Dès l’obtention de son doctorat (Hogaku-Hakushi), chose extrêmement rare à l’époque, il devient directeur du département juridique du ministère des Affaires étrangères. En cette qualité, il a été à la tête d’un nombre considérable de délégations japonaises négociant certains parmi les traités les plus importants de l’époque : il participa à la conclusion du traité de paix russo-japonais à Portsmouth en 1906, puis à la Conférence de Paix de Paris en 1919. Lors de cette dernière il siégea dans la « Commission sur la responsabilité des auteurs de la guerre et sur l’application des peines ». Il négocia également le Pacte Briand-Kellogg en 1928.

Entre 1922 et 1925, il représente le Japon au sein du Bureau international du travail, dont il est nommé président en 1923. Enfin, entre 1927 et 1930 il siège au sein du Conseil de la Société des Nations où il est chargé de présider le Comité de Londres rapportant sur la question des minorités. Son rapport sur l’accès des minorités par pétition aux Comités des minorités est adopté à l’unanimité.

Connu pour son talent pour la négociation et son talent oratoire en français, il a été qualifié par ses homologues au sein du Conseil de la SdN de « négociateur né », « très habile avec le langage des affaires internationales et faisant toujours preuve de beaucoup d’intelligence » (Spiermann, p. 302). C’est pourquoi il a été nommé plénipotentiaire au Mexique (1912-1915) et ambassadeur du Japon auprès de représentations stratégiques, d’abord en Belgique (entre 1920 et 1927) puis en France (1927-1930). La Revue diplomatique le définit alors comme l’« un des diplomates les plus sympathiques et les plus distingués que l’Empire du Soleil Levant ait accrédité en Europe ».

Le juge : un lien inextricable avec la CPJI

La première expérience juridictionnelle de Mineichirō Adachi a lieu entre 1904-1905, lorsqu’il siège aux Cours des prises de Sasebo et Yokosuka. Mais sa carrière en tant que juge sera inextricablement liée à la CPJI, dont il a œuvré avant tout à rédiger les statuts.

Participant en 1920 au célèbre Comité des juristes, il a appelé ses collègues à être « modestes et pratiques », car le Comité avait déjà accompli un « miracle social en réussissant à créer une Cour permanente, une véritable Cour de justice internationale » (PV du Comité, p. 543). En cela, il s’est souvent heurté aux membres plus progressistes. Il a incité à limiter le mandat de la Cour à la justice purement interétatique, sans inclure d’accès pour les individus, et à se borner à un système de justice purement consensuelle (conformément à l’article 14 du Pacte). En effet, « le progrès véritable ne se réalise que par degrés » (id., p. 274). Il insista sur le fait que, d’un point de vue sociologique, pour exister la Cour ne devait pas fonctionner sur la base d’une vision absolutiste de l’égalité des États mais prendre en compte les exigences des grandes puissances (id., p. 122).

Dix ans plus tard, il sera nommé juge de cette même Cour, dont il sera président entre janvier 1931 et 1934, année de sa mort. Ce n’est qu’à deux reprises qu’il a exprimé sa dissidence par rapport à la majorité au sein de la CPJI : en 1931 dans l’affaire Régime douanier entre l’Allemagne et l’Autriche, où il a considéré que « le régime à établir conformément au Protocole de Vienne ne ferait pas perdre à l’Autriche son indépendance » en revenant sur la notion même d’indépendance de l’État et de souveraineté en droit international, et en 1932 dans l’affaire en Interprétation de l’accord gréco-bulgare du 9 décembre 1927.

L’universitaire

Plutôt privatiste de formation, Adachi avait rédigé lors de ses premières années d’enseignement un précis de droit privé japonais et un de droit international privé. En ce qui concerne le droit international public, il traduit de l’italien le manuel de théorie du droit international d’Alessandro Paternostro, qui avait enseigné au Japon à la fin du XIXe siècle. Cette traduction est encore utilisée dans les universités japonaises et fait état de la manière dont la doctrine internationaliste européenne a été progressivement introduite au Japon, par la traduction.

Une grande partie de ses travaux doctrinaux a porté sur le droit de la Société des Nations et sur la notion de juridiction internationale. Concernant la première branche, membre de l’IDI, il a également été co-rapporteur avec Charles de Visscher sur la question des amendements au Pacte de la Société des Nations. Concernant la seconde, ayant négocié le Protocole de Genève de 1924 qui avait pour but de généraliser la compétence de la CPJI pour tous les différends internationaux et prohiber la guerre d’agression au titre de crime international, il défend la vision de la juridiction internationale présentée au sein du Comité des juristes. Dans un article éloquent expliquant son amendement, il affirme croire fermement en la Société des Nations ainsi qu’au « au triomphe de sa grande tâche divine : la paix du monde », et aussi être impressionné par la volonté « de tuer la guerre par l’établissement du système de l’arbitrage obligatoire intégral ». Néanmoins, il considère que cette posture est prématurée.

Juriste et diplomate respecté, ses funérailles honorifiques aux Pays-Bas firent état de la grandeur humaine d’un homme apprécié tant par ses facultés intellectuelles que pour ses grandes qualités humaines.

 

Edoardo STOPPIONI  

Docteur de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Senior Research Fellow, Max Planck Institute Luxembourg for Procedural Law  

 

Sources : Site de la fondation Adatchi (公益財団法人 安達峰一郎記念財団) : http://m-adachi.or.jp/ (en japonais exclusivement) ; CPJI Comité consultatif des juristes, Procès-verbaux des séances du Comité – 16 juin-24 juillet 1920, La Haye, Van Langenhuysen, 1920 ; A. de Geouffre de La Pradelle, « In Memoriam Mineiro Adatci », Revue de droit international, 1935, pp. 227-229 ; A. Hammarskjöld, « The Late President Adatci », American Journal of International Law, vol. 30(1), 1936, p. 114-117 ; M. Yanagihara, « Mineichiro Adatci (1869–1934): His Concept of International Adjudication », Japanese Yearbook of International Law, 2013, vol. 56, pp. 95-121 ; M. Yanagihara, « Japan », in B. Fassbender, A. Peters, The Oxford Handbook of the History of International Law, OUP, 2013, pp. 475-499 ; M. Yanagihara, 安達峰一郎: 日本の外交官から世界の裁判官へ (Mineichiro Adatci : de diplomate japonais à juge international), Tōkyō-to Meguro-ku : Tōkyō Daigaku Shuppankai, 2017, 263 p. ; M. Yanagihara, « Significance of the History of the Law of Nations in Europe and East Asia », RCADI, vol. 371, pp. 277-435 ; O. Spiermann, International Legal Argument in the Permanent Court of International Justice, Cambridge, CUP, 2005 ; S. Tachi, « 安達博士を悼む » (En regret du Dr. Adatci), Kokusaihō gaikō zassi, Vol. 34, No. 3 (1935), p. 81 ; T. Tamai, «安達峯一郎とパテルノストロの草稿―翻刻原文と邦訳」大学史紀要» (Écrits de Mineichirō Adachi et Paternostro : Version originale et traduction japonaise), 大学史紀要, 2007, 258 p.

 

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 

NB : Le Prof Yanagihara Masaharu a récemment recueilli dans un livre en langue japonaise les écrits de Mineitcirō Adatci : 世界万国の平和を期して―安達峰一郎著作 (La paix parmi les Nations : Recueil des écrits de Mineitciro Adatci), Publications de l’Université de Tokyo, 2019, 524 p.

 

Principaux articles et contributions en langue française 

« Les amendements japonais au Protocole de Genève », Revue de droit international et de législation comparée, 1924, pp. 544-547

« Le protocole de Genève et mon amendement », La revue belge, Vol. 4 (1924), pp. 495-499

Le Japon et les traités internationaux, Académie diplomatique internationale, 1927.

« Préface », in Sakutaro Tachi, La souveraineté et l’indépendance de l’État et les questions intérieures en droit international, Paris, Pedone, 1930, pp. 7-8.

« Introduction », in Les Dix ans de juridiction internationale (1922-1932), Leyde, 1932, pp. 7-8.

 

Rapports à l’IDI

« Examen de l’organisation et des statuts de la Société des Nations — Interprétation des articles 10 et 18 du Pacte de la S.D.N. », Annuaire de l’Institut de droit international, vol. 30, 1923, pp. 22-64 (en collaboration avec C. de Visscher)

« Examen de l’organisation et des statuts de la Société des Nations — Interprétation de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la S.D.N. : privilèges et immunités des agents de la Société des Nations », Annuaire de l’Institut de droit international, vol. 31, 1924, pp. 1-19 (en collaboration avec C. de Visscher)

« Examen de l’organisation et des statuts de la Société des Nations — Interprétation de l’article 12 du Pacte de la S.D.N. », Annuaire de l’Institut de droit international, vol. 31, 1924, pp. 22-32 (en collaboration avec C. de Visscher)