CAHIER

Photo : Académie de droit international de La Haye (avec l'aimable autorisation du Secrétaire général)

PHILIPPE CAHIER

(1932-2006)

 

Né le 31 mars 1932 à Paris et décédé le 18 mai 2006 à Genève, Philippe Cahier fut un internationaliste complet, menant de front pendant plus de trente ans enseignement, recherche et pratique du droit international public au plus haut niveau.

Une carrière universitaire brillante…

Après une licence en droit à l’Université de Paris (1953), un diplôme d’études supérieures en économie politique à l’Université de Lyon (1956) et un doctorat ès sciences politiques à l’Université de Genève en 1959 – pour lequel il obtint, la même année, le Prix de la Dotation Carnegie pour la paix internationale – Philippe Cahier débute sa carrière en tant que Research fellow à l’Université Columbia de New York. De retour en Europe en 1962, il s’installe à Genève, ville qu’il ne quittera plus et où il sera tout d’abord chargé de cours puis professeur à l’Institut universitaire des hautes études internationales, ainsi que professeur associé à la Faculté de droit de l’Université de Genève à partir de 1985. Il participera en tant que secrétaire rédacteur aux sessions de Bruxelles (1963), de Varsovie (1965) et de Nice (1967) de l’Institut de droit international. Ses activités professorales, qui se doublent d’une importante réflexion doctrinale, l’amènent à donner des conférences dans de nombreuses universités à travers le monde et à assurer, outre un premier cours donné en 1974, le séminaire de recherche en langue française (1969) et le cours général de droit international public (1985) à l’Académie de droit international de La Haye.

…appuyée par une pratique constante du droit international

Dès son doctorat, Philippe Cahier a eu à cœur d’ancrer ses recherches dans la pratique du droit international. Fonctionnaire auprès de la Division des normes internationales du Bureau international du travail (1957-1960), puis avocat des Bureaux internationaux réunis pour la protection de la propriété intellectuelle devant le tribunal administratif de l’OIT (1965-1967), il fut également représentant du Directeur général du BIT en Uruguay (1975, 1977, 1981) et en Colombie (1988) pour les questions relatives à la liberté syndicale. Parallèlement à son travail au sein de l’OIT, il assura la fonction de greffier des tribunaux arbitraux dans l’affaire de l’interprétation de l’accord aérien entre la France et les États-Unis (1963), dans celle de l’interprétation de l’accord aérien entre les États-Unis et l’Italie (1965), dans l’affaire du Canal de Beagle entre l’Argentine et le Chili (1973-1978) et dans l’affaire Aminoil c. Koweït (1982). Conseil du gouvernement espagnol dans l’affaire de la Barcelona Traction (1969), du gouvernement de la Guinée dans l’affaire de la délimitation maritime avec la Guinée-Bissau (1985), et du gouvernement libyen dans l’affaire du différend territorial Libye/Tchad (1994), il fut aussi président du tribunal arbitral institué dans l’affaire du différend frontalier entre Dubaï et Sharjah (1978-1981), président de la Cour pour l’arbitrage international en matière de commerce et d’industrie (Genève) à partir de 1983 et président du tribunal administratif de l’Institut international pour l’unification du droit privé à partir de 1984.

Une réflexion doctrinale qui promeut le lien entre théorie et pratique du droit international

Tirant parti de son expérience personnelle et des connaissances précieuses qu’il avait acquises des arcanes de la diplomatie dans le cadre bilatéral comme au sein des organisations internationales, Philippe Cahier consacrera l’essentiel de son œuvre doctrinale à souligner l’importance de la pratique du droit international pour son développement. Son manuel paru au début des années 60 et consacré au droit diplomatique constitue sans aucun doute une œuvre de référence en la matière : soulignant la rapidité accrue des nouveaux moyens de communication qui, en favorisant l’action directe des chefs d’État et de gouvernement, ont conduit à repenser de manière plus modeste l’action des missions diplomatiques, Philippe Cahier analyse la manière dont le droit prend acte de cette évolution, notamment à travers la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, adoptée en avril 1961. Il consacrera également plusieurs articles à l’étude du comportement des acteurs internationaux comme source du droit international : outre la question du comportement des États, qui sera régulièrement au centre de ses travaux, il s’intéressera aussi à la « capacité législative » du juge international et, plus largement, à la manière dont la pratique des différents organes des organisations internationales influence l’évolution du droit international. Confrontant la technique juridique aux besoins, pratiques et velléités des uns et des autres, les travaux de Philippe Cahier – qui illustre à merveille l’idéal du « praticien-chercheur » mis en exergue par Emmanuelle Jouannet (« Regards sur un siècle de doctrine française du droit international », AFDI, 2000, vol. 46, p. 14) – se démarquent par une vision volontairement pratique, quasiment sociologique même, du droit international.

 

Julie TRIBOLO  

Maître de conférences en droit public à l’Université Côte d’Azur (LADIE)

 

 

Sources : Notices biographiques, RCADI, tomes 143 et 195 ; Ph. Cahier, Le droit diplomatique contemporain, Genève : Droz, 1962, 534 p. ; F. Honti, « Le droit diplomatique contemporain. Une première étude exhaustive », revue critique du manuel de droit diplomatique de Philippe Cahier, Le Monde diplomatique, mai 1963 ; J.-P. Cot (dir.), « Revue des revues », AFDI, 1968, vol. 14, p. 1027 ;  L. Boisson de Chazournes (dir.), « Revue des Revues », AFDI, 1997, vol. 43, p. 1056 ; Philippe Cahier Arbitration Cases (site internet de l’IHEID).

 

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 

Thèse de doctorat

Étude des accords de siège entre les organisations internationales et les États où elles résident, thèse, Université de Genève, Milan : Giuffrè, 1959, 449 p.

 

Manuels et cours

Le droit diplomatique contemporain, Genève : Droz, 1964, 2ème éd., 544 p.

Le droit interne des Communautés européennes à la lumière de la jurisprudence de la Cour, Paris, Institut des hautes études internationales, 1964, 76 p.

« Le problème des effets des traités à l’égard des États tiers », RCADI, tome 143, 1974-III, pp. 589-757

« Changement et continuité du droit international. Cours général de droit international public », RCADI, tome 195, 1985, pp. 9-374

 

Articles

« Le comportement des États comme source de droits et d’obligations », Recueil en hommage à Paul Guggenheim, IUHEI : Genève, 1968, pp. 232-265

« Le droit interne des organisations internationales », RGDIP, 1963, pp. 563-602 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)

« Les Articles 169 et 171 du Traité instituant la Communauté économique européenne à travers la pratique de la Commission et la jurisprudence de la Cour », Cahiers de droit européen, 1974, pp. 3-38

« The Strengths and Weaknesses of International Arbitration Involving States as a Party », in J. D. M. Lew (dir.),Contemporary Problems in International Arbitration, London : Centre for Commercial Law Studies (University of London), 1987, pp. 241-249

« The Sources of Law of Maritime Delimitations », Proceedings of the 22nd Annual Conference of the Law of the Sea Institute, University of Hawaii, 1988, pp. 412-418

« Les sources du droit relatif à la délimitation du plateau continental », Mél. Michel Virally, Paris : Pedone, 1991, pp. 175-183 (article mis en ligne avec l’aimable autorisation des Editions A. Pedone)

« Le rôle du juge dans l’élaboration du droit international », Mél. Krzysztof Skubiszewski, Kluwer Law International : La Haye, 1996, pp. 353-366