Cet ouvrage constitue le 48ème colloque de la Société française pour le droit international qui s’est tenu à Lyon du 22 au 24 mai 2014.

L’équilibre a été gardé entre un regard rétrospectif sur le passé à la lumière du présent et une analyse en général lucide du droit tel qu’il va. Que l’on soit convaincu ou non par l’idée d’un « droit de la reconnaissance » (E. Tourme Jouannet), que l’on adhère ou non à l’idée d’une « gouvernance globale du développement » (M. Salah ; v. aussi les contributions de B. Gueye et G. Aïvo), que l’on estime la doctrine du security development nexusféconde ou non (M. Dubuy ; v. aussi la contribution d’E. Serrurier sur la gestion du dévelop-pement en situation conflictuelle), ces tentatives de renouvellements conceptuels montrent d’abord que l’on ne peut s’en tenir à l’approche marxisante, essentiellement économiciste, qui inspirait les zélateurs du droit international du développement dont, à sa modeste place, faisait partie le signataire de ces lignes [ndr Alain Pellet] (qui n’en a pas de regret – à l’époque, c’était le bon combat).

Elles montrent aussi que, si l’on peut enrichir la notion, l’objectif d’atténuation des inégalités poursuivi par ce que j’avais appelé jadis le « droit social des nations » demeure incontournable. Le concept de développement durable centré sur l’humain, ce qui en fait un « droit de l’humanité » (C. Le Bris), si central dans les débats de Lyon (v. not., parmi d’autres, les contributions de V. Barral, M. Bennouna, E. Decaux, E. Gaillard, R. Khérad, M-P. Lanfranchi ou I. Michallet), en témoigne de manière éclatante : le développement est l’objectif, mais il est pensé maintenant sur le long terme dans une perspective intergénérationnelle et indissociable de la préservation de l’environnement. Comme celui de maintien de la paix, le concept de développement est devenu de plus en plus « englobant » (H. Hamant) grâce, notamment, à la « fonction unificatrice » du droit au développement (K. Neri), qui ne doit pas, au demeurant, dissimuler l’« irréductible hétérogénéité des approches développementalistes » régionales (L. Burgorgue-Larsen).

La multiplication des acteurs du développement (« mal-développement » ? J-M Thouvenin), leur institutionnalisation (L. Boisson de Chazournes, A. Louwette), la recherche d’une « plurijuridicité » assurant « la participation de tous les acteurs concernés, dans leur pluralité et leur diversité » à l’élaboration des normes pour le développement (A. Geslin), confirment la fin du monopole étatique en ce domaine (mais a-t-il jamais été une réalité ?). Peut-on en déduire la mort de la souveraineté ? Certes, dans les années 1960 et 1970, les pays du Tiers Monde étaient obsédés par la nécessité d’affirmer la leur, minée par les inégalités de développement ; la prégnance dans leurs préoccupations de la « souveraineté permanente sur les ressources naturelles et les activités économiques » est le signe de cette (à l’époque) légitime obsession. Selon la formule célèbre de Louis Henquin, il est assurément prématuré d’envoyer les faire-part de décès ; mais la prise de conscience des indispensables solidarités transfrontières, autant que le fait brut (et parfois brutal) de la globalisation conduisent tout esprit raisonnable à avoir de la souveraineté une conception bien tempérée et à y voir la source de devoirs autant que de droits – mais, des droits et des devoirs qui incombent à l’Etat et, parfois, à lui seul– et d’une « responsabilité partagée » (D. Gnamou).

C’est toute la dialectique – peut-être suffit-il de dire que c’est tout l’équilibre à réaliser ? mais ce qui est trop simple indiffère ! – entre le droit au développement et la responsabilité de protéger, équilibre dont l’aboutissement normatif est encore incertain (v. les contributions de J. d’Aspremont ou d’Y. Nouvel, qui décrit l’effacement – peut-être moins marqué qu’il l’écrit – de la question du développement dans le droit de l’investissement) même si l’on est à la recherche de nouveaux instruments de développement, dont les accords ou les contrats de partenariat économique (M. Cardon et J.-F. Sestier) sont un bon exemple, et de nouvelles techniques contractuelles (notamment en matière de « part locale » – M. Audit) ou conventionnelles (vers une OMC à la carte ? – H. Ghérari).

Les quelques lignes qui précèdent n’ont nullement l’ambition de rendre compte de la richesse des contributions au colloque 2014 de la SFDI. Elles suffisent cependant peut-être à confirmer et les propos introductifs de S. Doumbé-Billé : le développement continue de « hanter » le droit international ; et la conclusion de P.-M. Dupuy : il fallait venir à Lyon ! Mais, si ce n’était pas votre cas, il est encore possible de vous « rattraper » en vous plongeant dans ce volume qui en restitue les Actes.

Avril 2015 – 504 pages 
ISBN : 978-2-233-00746-9 ;
Prix : 62 €
Editions A.Pedone