Chers membres de la SFDI,

Coup sur coup, je viens d’apprendre deux tristes nouvelles, qui affectent notre Société : le décès à Genève, le 28 janvier, de notre Président d’honneur, Hubert Thierry, et celui, survenu le 2 février, de Laurence Ravillon, membre du Conseil de la SFDI.

Homme exquis, savant débonnaire et esprit engagé, Hubert Thierry était la gentillesse même. Tous ceux qui ont eu la chance de travailler avec lui ou, tout simplement, de l’approcher, ont été frappés par la simplicité de son accueil et l’intérêt attentif qu’il manifestait à tout et à tous. Avocat puis professeur agrégé des Facultés de droit, successivement à Grenoble et, après un passage à Tunis comme conseiller juridique de l’ambassade de France, à Caen, il est ensuite resté fidèle à l’Université de Paris Nanterre de 1969, dont il fut vice-président de 1973 à 1978 aux côtés de René Rémond, jusqu’à sa retraite en 1990 – date à laquelle j’ai eu l’honneur et le grand plaisir de lui succéder. Il a également été, de 1981 à 1986, Directeur adjoint de l’Institut des Nations Unies pour le désarmement (UNIDIR) et, en 1986-1987, Professeur invité à l’Institut des Hautes Études Internationales. En 1991, il succède à Roger Pinto, au Tribunal administratif des Nations Unies qui le porte à sa présidence en 1996.

En 1975, il co-signe, avec trois de ses brillants anciens assistants et (alors) jeunes collègues, la première édition du « précis Domat » de Droit international public qui est un modèle du genre qu’il renouvelle considérablement : scientifiquement irréprochable et d’une grande clarté, il est très ouvert sur les réalités de la vie internationale sous toutes ses facettes[1]. En 1990, il est appelé à donner le prestigieux cours général à l’Académie de Droit international, qu’il consacre à « L’évolution du droit international », dans lequel il s’attache, avec optimisme, à décrire le progrès fragile de notre discipline dont il souligne qu’elle fait une place grandissante aux valeurs humanistes, sans dissimuler « ses limites, ses ambiguïtés, sa fragilité »[2]. En 1998, ses élèves et ses amis lui ont dédié des « Mélanges » portant le même titre[3], qui témoignent et de l’estime dont il jouissait auprès de collègues de sensibilités très diverses, et de la diversité de ses centres d’intérêt.

Grand bourgeois éclairé, Hubert Thierry était aussi un homme engagé. Adhérent de la Convention des institutions républicaines de Mitterrand dont il fut délégué pour la Basse-Normandie et dont il présida la section du Calvados, il avait suivi avec sympathie les « évènements » de mai 1968 et approuvé, voire inspiré en sous-main, les innovations « apaisantes » (la création de « Vincennes », la participation des étudiants dans les conseils des universités et des nouvelles « unités d’enseignement et de recherche » (UER)) voulues par son ami Edgar Faure, au cabinet duquel il fut chargé de mission lorsque celui-ci fut élu à la présidence de l’Assemblée nationale (de 1973 à 1978). De 1971 à 1976, Hubert Thierry fut président de la section française d’Amnesty International. Bien que, comme le signataire de ces lignes, il s’y trouvât parfois en porte-à-faux par rapport aux thèses « gaucho-marxisantes » qui y fleurissaient, il n’a manqué aucune des Rencontres de Reims qui de 1973 à 1989 ont réuni la fine fleur du « droit international progressiste » francophone autour du maître de Nancy, Charles Chaumont.

Cet homme de culture et de conviction (forte et modérée) a succédé, en 1993, à son ami René-Jean Dupuy comme président de la SFDI et le demeura jusqu’en 1999, date à laquelle il en devint président d’honneur. Sa retraite genevoise l’a tenu éloigné de nos activités à la fin de sa vie mais nombre d’entre nous gardent de lui, très présent, un souvenir amical et ému. J’ai adressé à son épouse Monique les condoléances attristées de la Société.

La disparition prématurée de Laurence Ravillon prive la SFDI d’un membre de son Conseil et d’une collègue estimée et dynamique.

Maîtresse de conférences puis professeure à l’Université de Bourgogne, elle était une spécialiste mondialement reconnue du droit de l’espace sur lequel elle avait écrit sa thèse, soutenue en 1996[4], et publié quantité d’études. Elle a également consacré de nombreux travaux au droit du commerce international. La qualité de ses recherches lui a valu une médaille de bronze du CNRS. Doyenne de la Faculté de Droit de Dijon de 2009 à 2014, Laurence Ravillon dirigeait, depuis 2012, le Centre de recherche sur le droit des marchés et des investissements internationaux (CREDIMI).

Privatiste, mais ouverte au droit public, elle avait été élue au Conseil de la SFDI en 2014 et s’était engagée avec dynamisme dans certaines activités de la Société en particulier, dans l’organisation du colloque conjoint SFDI/ILA/OCDE sur les « 40 ans des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales » du 19 décembre dernier, auquel la terrible maladie contre laquelle elle luttait avec courage l’a empêché de participer. Nous nous associons à la tristesse de ses proches et de ses collègues dijonnais.

Alain  PELLET

Président de la SFDI

[1] H. Thierry, J. Combacau, S. Sur,  et Ch. Vallée, Droit international public, Précis Domat, Paris, Éditions Montchrestien, 1975, 770 p.
[2] H. Thierry, « L’évolution du droit international – Cours général de droit international public », RCADI 1990-III, t. 222, 185p, à la p. 26.
[3] Mélanges offerts à Hubert Thierry – L’évolution du droit international, Pedone, Paris, 1998, 417 p.
[4] L. Ravillon, Les télécommunications par satellite – Aspects juridiques, Litec, Paris, 1997, 509 p.